Figure de proue de l’actuelle littérature sud-coréenne (« la Mort à demi-mots », « Fleur noire », « l’Empire des lumières »), Kim Young-ha, 47 ans, écrit avec « J’entends ta voix » (1) une nouvelle page de la réalité urbaine d’aujourd’hui. À travers le destin de Jeï, enfant non désiré, puis rejeté et abandonné à la rue, il cherche à transformer les bruits que font les jeunes et qui dérangent une société trop policée en voix que nous pourrions entendre. Au contraire des autres fugueurs, qui rejettent le confort de leurs maisons et traînent dans Séoul une vie de débauche et d’excès, Jeï, qui a le don de sentir la souffrance des autres, accède à une vie proche de l’ascèse tout en devenant le leader d’une bande de motards prêts à tout pour se révolter contre l’ordre établi. Jusqu’à la course ultime qui le fera entrer dans la légende. Un récit à plusieurs voix, où les émotions humaines sont portées à l’incandescence par les tensions sociales.
Wataya Risa est une auteure prodige, couronnée à 17 ans du prix Bungei pour son premier roman (« Install »), lauréate du prix Akutagawa, le Goncourt japonais, pour « Appel du pied », et prix Kenzaburo Oe pour « Pauvre chose » (3), qu’elle a écrit à 26 ans. C’est l’âge de son héroïne, une Tokyoïte qui a la phobie des tremblements de terre mais qui va être plus qu’ébranlée lorsque son copain décide d’héberger une ex-petite amie avec qui il avait vécu aux États-Unis et qui n’a plus ni maison ni travail. Très amoureuse et parce que cela se fait, semble-t-il, en Occident, la malheureuse finit par accepter… jusqu’à l’éruption et le tsunami qui vont s’ensuivre. Une comédie sentimentale piquante, dans laquelle l’auteure met en lumière les contradictions des jeunes Japonais, tiraillés entre le désir de modernité et les traditions, ainsi que le malaise d’une société où l’économie piétine.
Paru en 1977 et traduit pour la première fois en 1991, « Une Odeur de gingembre » (3) est considéré comme le meilleur livre d’Oswald Wynd – connu surtout pour ses romans policiers sous le pseudonyme de Gavin Black. Le récit commence en 1903 lorsque Mary quitte l’Écosse à l’âge de 18 ans pour rejoindre son futur époux à Pékin, au lendemain de la révolte des Boxers, et s’achève lorsqu’elle a 60 ans. Mise au ban de la communauté européenne parce que trop curieuse de la société chinoise, chassée par son mari lorsqu’elle tombe enceinte d’un officier japonais, elle fuira dans des conditions dramatiques au Japon, où elle devra à nouveau trouver sa place dans une société guère accueillante pour les étrangers.
Décryptages
« Le Maître des apparences » (4) est le premier tome de la trilogie « Les Orphelins du Raj », écrite par Jane Gardam entre 2004 et 2013, qui lui a valu d’être finaliste de l’Orange Prize. Le roman a sa place dans ces colonnes car le héros, Sir Edward Feathers, surnommé Filth, est né en Malaisie et a été pendant des années un avocat international de renom à Hong Kong. Son destin hors du commun et sa personnalité pour le moins complexe nous entraînent dans la gloire puis la fin de l’empire britannique, des années 1920 jusqu’au début de notre siècle, en passant par la Deuxième Guerre mondiale.
Écrivain célèbre en Chine où, nous dit-on, il a vendu plus de 5 millions de livres, Mai Jia, 50 ans, est traduit pour la première fois dans plus de 15 pays occidentaux et arrive auréolé de gloire : son deuxième roman, « In the Dark », adapté en une série télévisée de trente épisodes à grand succès puis au cinéma, lui a valu le prix Mao Dun. « L’Enfer des codes » (5), son premier roman, a été publié en 2002 après de longues négociations avec la censure. Le titre résonne comme un thriller et il a en effet toutes les apparences d’un roman d’espionnage : au milieu des années 1950, un jeune génie des mathématiques est enrôlé par une agence gouvernementale afin de déchiffrer un code d’une complexité diabolique qui menace la sécurité de la République populaire, engagée dans la guerre froide. Le livre, aussi bien écrit qu’habilement construit, comme une sorte d’enquête biographique effectuée à partir de nombreux témoignages de personnes qui ont côtoyé le héros, nous conduit à déchiffrer la personnalité de ce personnage introverti et quasi mutique, et à mieux comprendre ce qu’est la cryptographie, ses exigences de concentration, d’isolement et de secret, de génie aussi. L’auteur a lui-même travaillé pendant de nombreuses années pour les services de renseignement chinois.
Beaucoup plus léger est « Bombay Girl » (6), la suite des tribulations (après « Mariage à l’indienne » et « Retour à Bombay ») de Sohana, l’héroïne campée par Kavita Daswani. Ici, la jeune femme s’est mise en tête de présenter un meilleur projet que ses frères afin d’accéder à la tête de l’entreprise familiale... tandis que ses amies s’épuisent à préparer leurs somptueux mariages.
Tash Aw (« le Tristement célèbre Johnny Lim », « la Carte du monde invisible ») a vécu deux ans à Shanghai pour écrire « Un milliardaire cinq étoiles » (7), un roman qui décrit et dénonce l’irrésistible attrait des lumières de la Ville à travers le destin croisé de cinq personnages venus de Malaisie y chercher fortune, qui pour faire des affaires, qui pour devenir une star ou échapper à la misère. À travers eux, l’auteur décrit une mégalopole sous tension, où « s’arrêter ne serait-ce qu’un instant signifie être laissé sur le bord du chemin » et où, pour arriver, il est obligatoire de se réinventer sans arrêt, d’oublier son passé. Une réflexion pertinente sur les valeurs fondamentales de l’existence et sur le courage nécessaire pour briser le miroir aux alouettes.
(2) Philippe Picquier, 142 p., 16 euros.
(3) La Table Ronde, 440 p., 14 euros.
(4) JC Lattès, 365 p., 20,90 euros.
(5) Robert Laffont, 334 p., 21 euros.
(6) De Fallois, 253 p., 20 euros.
(7) Robert Laffont, 436 p., 22,50 euros.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série