« Amour » : à la vie, à la mort
Le titre le plus simple pour un film que Michael Haneke, palme d’or en 2009 pour « le Ruban blanc », a voulu « plus modeste et malgré tout complexe ». C’est l’amour en effet qui réunit les deux protagonistes, c’est lui qui, d’une certaine manière, triomphe de la déchéance et de la souffrance.
Le cinéaste nous enferme dans l’appartement où vivent Georges et Anne, deux octogénaires musiciens et cultivés. Un jour, l’épouse est victime d’un accident cérébral qui la laisse hémiplégique. Elle veut cacher ses difficultés, il ne veut que l’aider. Une situation banale. Haneke montre le corps qui cède, peu à peu, avec pudeur, mais sans rien cacher. C’est par le regard de Georges que l’on découvre les pertes successives, la dégradation qui se fait pire de jour en jour, les affres de l’agonie. Les brèves irruptions du monde extérieur, avec la fille peu empathique jouée par Isabelle Huppert, le pianiste Alexandre Tharaud, le concierge et les infirmières, sont autant de respirations, qui font aussi s’accélérer le temps.
Ce récit déchirant dont Haneke fait une histoire unique, alors que l’expérience est quasi universelle, doit énormément à ses deux interprètes, dont on est heureux de retrouver les incomparables voix, symboles de la pérennité du cinéma, depuis « Hiroshima mon amour » et « Un homme et une femme ». Emmanuelle Riva, au-delà de tout éloge, Jean-Louis Trintignant d’une extraordinaire subtilité.
« Amour », film du crépuscule, est attendu le 24 octobre les écrans français.
« Vous n’avez encore rien vu » : au bonheur du théâtre
Alain Resnais, c’est l’amour du texte, des comédiens, du théâtre et une redoutable intelligence qui lui fait élaborer de subtiles mises en abyme. Avec ce dernier film, imaginé à partir de deux pièces de Jean Anouilh, « Eurydice » et « Cher Antoine », cela relève de l’exercice de style, un peu systématique mais brillantissime.
Resnais retrouve quelques-uns de ses acteurs favoris, Sabine Azéma, Pierre Arditi et Lambert Wilson en tête, et il faudrait citer tous les membres de la troupe qu’il a constituée cette fois, parmi lesquels Anne Consigny, Michel Piccoli, Mathieu Amalric, Andrzej Seweryn… Car « Vous n’avez encore rien vu », avec ses trois manières d’interpréter « Eurydice », dont celle de jeunes acteurs dirigés par Bruno Podalydès, est une ode magnifique au travail d’interprétation, de personnification.
On n’oublie jamais que, tout en étant au cinéma, on est au théâtre. Le théâtre qui, par la magie des mots et très peu d’artifices, peut faire croire à toutes les situations, toutes les émotions, toutes les résurrections. À voir à partir du 26 septembre.
« La Chasse » : l’homme moderne
Quatorze ans après le saisissant « Festen », le Danois Thomas Vinterberg est à nouveau en compétition avec un film qui évoque les abus sexuels. Mais cette fois du point de vue de la victime de fausses accusations, un éducateur joué par Mads Mikkelsen (célèbre internationalement depuis qu’il a joué l’adversaire de James dans « Casino Royale »), en 2006. « D’une certaine façon, ce personnage incarne l’homme scandinave moderne, explique Vinterberg. Il est chaleureux, amical, serviable et modeste. Il fait tout ce qu’on lui demande, il est manipulé par son ex-femme. Dans un sens, il est castré. Le parcours qu’on a suivi avec Mads consiste à le faire évoluer, à le faire passer de cet état à celui d’un homme confronté à sa propre condition humaine. » Comment garder sa dignité sans céder à la violence ? Le film, porté par l’interprétation fine de Mikkelsen, donne une réponse ambiguë, c’est ce qui fait son intérêt et le distingue de quelques autres sur le même sujet.
« La Chasse » sortira en France cet automne et le réalisateur a plusieurs projets, dont un film qui « exalte la consommation d’alcool » !
« Au-delà des collines » : femmes en noir
L’amour, le libre arbitre, la religion, le bien, le mal : le Roumain Christian Mungiu, après « 4 Mois, 3 Semaines, 2 Jours », qui évoquait l’avortement et lui a valu la palme d’or, est plus que jamais ambitieux. Et son talent de cinéaste lui donne les moyens d’exprimer mille interrogations sur ces thèmes, dans une vision à la fois austère et passionnée.
Dans un couvent orthodoxe perdu sur les hauteurs, une nonne à la foi naïve accueille une amie qui revient d’Allemagne et entend renouer avec elle la relation exclusive qui les liait à l’orphelinat (Cosmina Stratan et Cristina Flutur, deux actrices étonnantes). Le comportement perturbé de la jeune femme va fortement troubler le microcosme religieux.
Même si on connaît le dénouement, sachant que le scénario écrit par Mungiu s’inspire des « romans non fictionnels » de Tatiana Niculescu Bran, qui avait enquêté sur la mort d’une jeune fille à la suite d’un exorcisme, on se laisse prendre par la montée de la tension et surprendre par les paroxysmes du récit. Cela grâce à une mise en scène qui orchestre confrontations intimes et ballets de femmes en noir dans un paysage aux lumières blanches. Troublant et fort.
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