« IL FAUT ÊTRE absolument moderne », disait déjà Rimbaud en son temps. Les peintres futuristes se seraient-ils approprié la phrase du poète d’« Une Saison en enfer » ? C’est en tout cas la recherche de modernité qui inspira au début du XXe siècle un groupe d’artistes italiens, de Boccioni à Carlo Carrà, de Russolo à Severini, fascinés par le mouvement des machines, la vitesse des voitures et des avions, l’ébullition de l’ère industrielle, les progrès de la technique, de la mécanique, des sciences, les nouvelles inventions du cinéma… Il y a un peu plus de cent ans, le 20 février 1909, Filippo Tommaso Marinetti publiait le « Manifeste du futurisme » à la une du « Figaro ». « Nous voulons chanter l’amour du risque, l’habitude de l’énergie et de la témérité », proclamait-il.
Avant d’adhérer à ce mouvement fondé sur l’audace et la révolte, Gino Severini s’initia à la technique divisionniste auprès de son maître Giacomo Balla, puis au néo-impressionnisme de Georges Seurat et à ses théories sur la division de la couleur. Ses premières toiles font apparaître des tonalités pures, de fines taches colorées, fondues et juxtaposées les unes aux autres, des arabesques et méandres stylisés, une décomposition des teintes… Le pointillisme de Severini était libre, affranchi, et le mena tout naturellement vers le futurisme, mouvement auquel il adhéra en 1911. À l’instar de ses complices en peinture, il suggéra dans ses toiles une « sensation dynamique » et une impression de mouvement, de vitesse, de propulsion, traduisant les rythmes du monde moderne. L’artiste transcrit les lumières de la ville, livre des visions tourbillonnantes de la foule et fait virevolter son pinceau dans des chorégraphies effrénées. Les couleurs primaires, fortes et tranchées règnent en maîtresses dans ces compositions à l’espace découpé, « fractalisé », décomposé.
En 1916, Severini rompt avec les futuristes. Proche durant quelques années du cubisme, il opère peu à peu un retour à l’ordre, qui correspond à l’apparition du mouvement de la peinture métaphysique (metafisica), influencé par le symbolisme des peintres germaniques (Arnold Böcklin et Max Klinger) et par la philosophie de Nietzsche et de Schopenhauer, tout autant que par les architectures néoclassiques et les paysages idéalisés des artistes du XIXe siècle. Severini crée alors des mondes envoûtants, dans lesquels s’enchevêtrent, toutes époques confondues, les références au Quattrocento, au classicisme et aux temps modernes. Ses toiles engendrent l’alliance parfaite entre un réalisme éclatant et un onirisme parfois extravagant. Severini veut revenir aux valeurs traditionnelles de la peinture en se préoccupant de la « construction ». Ses portraits, ses natures mortes et ses « Maternités » sont imprégnés d’un classicisme énigmatique et hiératique.
L’univers artistique de Severini, dans lequel cette jolie exposition nous immerge, est passionnant, complexe, labyrinthique. Le parcours est à l’image de l’atmosphère vibrionnante de l’Italie de la première moitié du XXe siècle, qui joua un rôle majeur dans le développement des avant-gardes européennes.
Musée national de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, 1er, tél. 01.44.77.80.07. Tlj sauf mardi, de 9 à 18 heures (fermeture de l’exposition à 17 h 45). Jusqu’au 25 juillet.
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