Près de 8 Français sur dix déclarent que notre société est de plus en plus injuste. La France fait partie des pays où la proportion de ceux qui déplorent les inégalités excessives est la plus élevée (91 %). Ceci suggère plusieurs remarques. D’abord, on pourrait gloser à l’infini sur le fait qu’on a implicitement choisi de ne retenir que les inégalités économiques. Pourtant, être très vieux, malade, handicapé moteur ou n’évoquer que de très loin Alain Delon dans « Plein Soleil » constituent bien de douloureuses infériorités.
Ajoutons qu’il fut très longtemps difficile d’évaluer avec exactitude les fortunes colossales. Aujourd’hui, la précision sociométrique règne. Ainsi, dans les années 1980, le revenu moyen des 10 % les plus riches était 7 fois plus élevé que celui des 10 % les moins riches ; aujourd’hui, il est près de 10 fois plus haut.
Il semblerait que les Français aient une véritable passion pour l’égalité. N’est-elle pas inscrite sur nos nobles frontons et drapeaux ? Disciples de Tocqueville sans le savoir, ils acceptent de rêver sur quelques immenses fortunes exhibées dans leurs magazines et accablent souvent les plus démunis au comptoir du coin – « Il est pauvre, d’accord, mais pensez-vous vraiment qu’il fait tout ce qu’il faut pour s’en sortir ? »
« De toutes façons, l’État ne fait rien », affirme encore péremptoirement mon beauf. Faux ! La politique fiscale et les prestations sociales ont en France un effet réel sur la portée des écarts de conditions de vie. Mais les impôts indirects creusent quand même les inégalités : les revenus des plus modestes donnent lieu à consommation (donc à TVA), alors que ceux des plus aisés se partagent entre consommation et épargne.
Œuvrer pour le capital humain
Les choses se complexifient, montre bien Patrick Savidan. Les inégalités sont-elles forcément des injustices ? Question qui implique nécessairement l’existence de mérites et démérites. Telle rock-star milliardaire, issue d’un milieu défavorisé, n’a-t-elle pas un réel talent ? Tel autre, qui crie à un hasard contraire, à la chance qui l’a abandonné, n’a-t-il pas très souvent raté les bonnes occasions ?
Sur un sujet qui frappe les esprits, il y a aussi ce qui frappe les yeux par son excès. On retiendra le scandale que constitue le SDF dormant sur le trottoir ou le PDG s’installant dans une limousine avec chauffeur, mais on sait que les discrètes mais réelles inégalités ne touchent aucune rétine.
Dans le sillage de Pierre Bourdieu**, de nombreuses études ont porté sur la reproduction des élites au travers de la consécration que donnent les grandes écoles, visant à créer un groupe « sacré et séparé », destiné à occuper les positions dominantes dans la société. Tel le privilège, l’avantage indu des « héritiers généalogiques », des enfants d’énarques.
Pour finir, Patrick Savidan, qui refuse de s’en prendre aux limites et aux failles de l’État-providence, note que nous ne pouvons pas nous contenter de redistribuer des revenus. Il faut œuvrer, dit-il, en vue d’une dispersion plus égalitaire du « capital humain » que sont l’éducation et les compétences.
** Dont les titres sont eux-mêmes parlants : « les Héritiers », avec Jean-Claude Passeron, 1964, « la Reproduction », 1970 (Éditions de Minuit).
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