Apostille érotique

Se convertir au bonheur

Publié le 26/05/2014
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Idées

Dans son autobiographie, « la Nacre et le Rocher » (Encre marine, 2012), Robert Misrahi réfléchissait sur son identité juive, mais très peu sur la dimension érotique de notre être au monde. Elle est pourtant d’autant plus fondamentale qu’elle n’exclut pas les amours simultanées, une révélation-aveu à laquelle il semble très attaché.

Comme très souvent lorsqu’il s’agit du sentiment amoureux, l’énumération des déceptions et des illusions liées à la passion constitue une sorte de figure imposée. L’auteur n’y échappe pas, qui énumère le rôle du narcissisme excessif, l’affrontement brutal de deux libertés possessives, le malentendu. Mais c’est finalement dans le droit fil de la démarche philosophique qu’il disserte.

L’homme est d’emblée liberté, il y accède en même temps qu’il accède à la « conscience de soi », laquelle se définit essentiellement par le désir. Descartes ne peut rien contre Spinoza : l’homme voit sa pensée débordée par le désir, « mouvement dynamique déployant par lui-même sa propre énergie », tendance à persévérer dans son être, « conatus », disait Spinoza, du latin conor, s’efforcer de.

La joie, et le bonheur qu’il procure, se retrouvent à leur acmé dans l’amour, qui vise à conserver cette formidable puissance d’agir. Robert Misrahi nomme « conversion » le moment par lequel nous passons vers le bonheur, quittant en quelque sorte la banalité du pauvre réel que nous subissons.

Tout semble si simple avec Misrahi : cette conversion, il suffit de la vouloir ! Ce bonheur des sens ne se réduit pas, comme le veut la psychanalyse, à une mécanique décharge orgasmique – une théorie que l’auteur égratigne en la caricaturant. L’amour n’est pas un spasme, mais quête jouissive d’un absolu, par où l’auteur se rapproche – dangereusement, diront certains – du mysticisme.

Un livre qui nous émeut davantage par les ondes de béatitude ressenties par son auteur que par la rigueur d’une démonstration.

Robert Misrahi, « la Joie d’amour », Autrement, 243 p., 15 euros.

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du Médecin: 9330