Une revue donc, reliée à une culture incarnée dans les figures, les idées et les faits, qui ne craint pas quelques jets de vitriol, et ce pour notre grand plaisir. C’est ainsi qu’en matière de « figures » est gentiment éplinglée la posture « discrètement mais très fermement conservatrice » de Marcel Gauchet, dont la revue « le Débat » fait autorité et guerroie contre la liberté sexuelle et l’immigration de provenance extra-européenne. On imagine pourtant l’intéressé plutôt étonné de se voir décrit comme « proche d’Éric Zemmour ».
Michel Onfray, l’« homme qui se prenait pour un volcan », est plus qu’une figure, il est à lui seul une petite usine, et l’analyse qu’en fait Nicolas Chevassus-au-Louis, journaliste qui collabore à Mediapart, mêle agréablement le scalpel et les gants de boxe. Avant tout Michel Onfray est une posture. Il est un philosophe contre tous, il écrit des antimanuels. Il est le seul à ne pas vivre à Paris et chante sans cesse sa Normandie natale. D’ailleurs, son dernier opus, modestement nommé « Cosmos », vante la réalité de la campagne, du paysan et des saisons contre le monde urbain, cosmopolite et capitaliste. Il est aussi le seul à n’avoir jamais enseigné dans le supérieur, à s’honorer de ses origines populaires, le seul à se revendiquer d’une gauche antilibérale.
De fait, tout l’univers de Michel Onfray est marqué par un manichéisme total, avec, en toutes occasions, les bons et les mauvais penseurs. Le paganisme joyeux et nietzschéen contre le judéo-christianisme, la vraie gauche camusienne contre le stalinisme sartrien, l’authenticité contre la gauche caviar. Plus graves sont les contradictions qui émaillent la vie et l’œuvre du penseur-volcan, en particulier les inexactitudes, et le flot verbal qui donne de ses écrits, selon l’un de ses détracteurs, « une impression de fricot relevé par une sauce pseudo-philosophique ».
L’art et l’argent
Autre sujet de la nouvelle revue, le recyclage de l’art contemporain en vitrine de luxe, une étude acérée de la journaliste Marion Rousset. L’artiste américaine Cindy Sherman accepte de dessiner une malle Vuitton et en fait la promotion dans « Elle ». Daniel Buren dessine un carré Hermès. Fabrice Hyber réalise un cube géant à partir d’un rouge à lèvres Yves Saint Laurent. On dira qu’il n’y a rien de très nouveau sur ce sujet mais cette monographie montre que cette dérive atteint son point d’incandescence lorsque les artistes eux-mêmes se font leurs propres entrepreneurs et agents de production « pour répondre aux désirs du marché ». Est-il question aussi de Jeff Koons ? Oui.
Les spectres du fascisme
Enfin, on retiendra parmi ces études celle de l’historien Enzo Traverso sur les « spectres du fascisme ». On sait à quel point ce mot a connu mille avatars, au point d’être attribué à des mouvements totalement opposés. S’il fallait le réduire à son « idéal-type » dans l’Histoire, il n’y aurait que l’Italie mussolinienne à avoir été totalement fasciste. Mais le concept est un chewing-gum parfaitement extensible : il suffit qu’il y ait un chef-guide et des tendances autoritaires pour qu’il y ait fascisme.
En 1974, Pier Paolo Pasolini étend l’idée au modèle anthropologique consumériste-capitaliste. Mais l’essentiel de l’étude porte sur ce bizarre assemblage que constitue le terme « islamo-fascisme ». S’il est vrai que les mouvements de type Daech ou Boko Haram sont à l’origine d’atrocités, l’auteur tient à établir un distinguo : « Les fascismes n’ont jamais vu le jour, en dehors de l’Europe, sans un lien organique avec les puissances impériales de l’Occident. » Soit, mais on restera extrêmement perplexe devant l’affirmation selon laquelle « derrière Mohamed Merah, les frères Kouachi et Amédy Coulibaly » se tiendrait « la longue histoire du colonialisme avec son héritage dans la France métropolitaine ». Et l’antisémitisme ? Il semble évacué.
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