Télémaque souffre, il attend que son père revienne, il est en plus témoin du grand désordre créé par les prétendants auprès de sa mère Pénélope, contrainte de les repousser. Il incarne le contraire d’Œdipe. Ce dernier a commis des crimes absolus et se crève les yeux. Télémaque regarde la mer, il cherche son père. « Non comme un rival pour une lutte à mort, mais comme celui qui pourra rétablir la loi de la parole sur terre. »
Il ne s’agit pas, bien sûr, du retour de la loi en tant qu’elle incarne l’autorité, ni du retour d’un quelconque héros mythique. Plutôt en tant que l’adolescent ne peut exister qu’à travers ces signifiants que sont l’amour et la loi. Le père invoqué n’est pas non plus le grand modèle auquel le garçon tente de s’identifier, comme chez Freud. Il est, dit Massimo Recalcati, « un être vulnérable, incapable d’énoncer le sens ultime de la vie, mais capable de montrer, par le témoignage de sa propre vie, que la vie peut avoir un sens ».
La perte du désir
Il n’en faut pas plus pour que le livre se fasse analyse de la modernité et des mœurs. Sans doute reprend-il sans grande originalité le thème du père copain, immature même par rapport à son fils. Mais c’est surtout la perte du sens symbolique de la loi de la parole qui le préoccupe. Elle a pour corollaire de soumettre les sociétés à une « jouissance sans désir », celle de l’alcool, des stupéfiants et du sexe, consommés comme simples produits d’évasion.
D’où également l’importance du maquis judiciaire de notre époque. Moins la loi est symbolique, c’est-à-dire établit des relations de reconnaissance des personnes, plus elle s’émiette dans les cas particuliers de la procédure. Bien sûr, participe aussi de cette perte du désir et du lien symbolique l’obsession d’être connecté en permanence à des centaines d’amis virtuels.
Ce que décrit Massimo Recalcati, c’est une civilisation qui n’est plus celle du malaise dans lequel la pulsion est brimée par la loi, mais tout au contraire celle d’un malaise qui semble provenir « du culte pervers d’une jouissance immédiate, illimitée, absolue, dépourvue de digues ». Jouissance des objets que le capitalisme met à notre disposition. Comme loi de la jouissance, tout le monde veut tout, exigence mortifère.
Comment retrouver un désir pour un sujet qui n’a plus ni père réel ni père symbolique ? Télémaque va sans doute longtemps continuer de regarder la mer.
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