Deux ouvrages sur le psychisme décrypté

Neurosciences, l’exactitude et le doute

Publié le 19/05/2014
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Idées

Professeur de neurologie à Nantes, chercheur au MIT, aux États-Unis, Philippe Damier examine en détail les étapes de l’acte décisionnel. Il montre ainsi qu’une phase primaire consiste dans la captation d’une information par les cinq sens. Cette information est transformée en signaux électriques, qui sont transportés par un système de « cablage » nerveux dans la couche superficielle du cerveau. Il faudra ensuite décider et agir. Ces fonctions sont lancées à partir du lobe frontal.

Mais le substrat n’explique pas l’acte. L’auteur prend l’excellent exemple d’un soldat qui surveille les signaux radar lors de la guerre du Golfe. Deux avions suspects apparaissent, il faut agir sans véritable information. Le soldat, dans ce cas, prendra la bonne décision, les détruire. Tout n’est pas aussi simple. Il faut parfois prendre une décision ici maintenant pour une autre à exécuter bien plus tard.

Le livre se lit avec un grand plaisir, car s’il montre qu’il est possible de voir quelles régions cérébrales s’activent lors d’une valse-hésitation, l’auteur ne tombe pas dans un simple réductionnisme du mental au cérébral. Le cerveau est aussi « magicien », comme le disait le Pr Roland Jouvent, il est perméable à l’autre, ce que révèlent les célèbres neurones-miroirs.

Philippe Damier nous donne à la fin de son livre « dix règles pour faire face aux décisions importantes ». Elles illustrent l’importance de la mémoire et de notre pouvoir de réflexivité.

La face sombre du savoir

Professeur de neurosciences, directeur du département Biologie à l’université Columbia, Stuart Firestein a un profil intellectuel assez proche de celui de Philippe Damier, mais son angle d’attaque est tout autre. Remarquant qu’on s’est trop longtemps fixé sur les pics électriques émanant du cerveau, il note qu’« on ne capte pas vraiment le cerveau mais la manière dont on l’enregistre ». Plus intensément, il pointe « la face sombre du savoir ». D’abord, les idées les plus farfelues furent longtemps tenues pour des évidences scientifiques. Le phlogistique (théorie sur la combustion), la phrénologie (exploration des bosses du crâne), la « carte linguale » des saveurs, etc. Ces exemples servent non seulement à montrer que la science peut s’installer avec satisfaction dans l’erreur, mais à lutter contre l’idée qu’elle chemine vers une vérité que nous découvririons progressivement, comme on pèle un oignon.

Ce qui compte, dit ce penseur original, c’est ce qu’on ignore encore. Mais comment aborder ce qu’on ne sait pas ? Une interrogation qui aurait plu à Raymond Devos.

Tout comme Gaston Bachelard, Stuart Firestein semble penser que « les savants sont utiles dans la première partie de leur vie, nuisibles dans la seconde ».

Pr Philippe Damier, « Décider en toute connaissance de soi », Odile Jacob, 240 p., 23,90 euros.

Stuart Firestein, « Les Continents de l’ignorance », Odile Jacob, 192 p., 23,90 euros.

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du Médecin: 9328