Car immense est la vie de ce penseur qui vécut quatre-vingt-sept ans (1878-1965), traversa l’effondrement de quatre empires, deux guerres mondiales, la tragédie juive et la guerre d’indépendance israélienne, et dont le destin fut intimement lié à celui de son peuple. « Avec Freud et Einstein, il est l’un des juifs les plus connus du XXe siècle », écrit Dominique Bourel.
Il en résulte une œuvre que l’on ne peut que qualifier d’immense, montrant ainsi les limites de notre vocabulaire. La seule correspondance de Martin Buber représente 50 000 lettres. Seuls trois volumes ont été à ce jour publiés, en cinq langues différentes. Une édition complète a commencé en Allemagne, à quoi il faut ajouter la pléthore d’articles, préfaces et entretiens.
Impossible d’évoquer la vie de Martin Buber sans resituer et ressentir l’atmosphère de Lemberg, en Galicie, où il est élevé par ses grands-parents après le divorce de ses parents. « Une province de nulle part » absorbée par l’empire d’Autriche, considérée tour à tour comme polonaise, russe et qui est aujourd’hui l’Ukraine occidentale. Mais Buber partira à Vienne en 1896 pour étudier l’histoire de l’art.
Impossible également de passer sous silence sa redécouverte du hassidisme en 1903, un mouvement né en Lituanie qui insiste sur la communion joyeuse avec Dieu et fut interprété comme une façon de résister à l’hostilité ambiante. Buber écrit sur son fondateur, Baal Shem Tov.
Un homme de dialogue
De cette idée de « Rencontre avec » est sorti le livre qui le fit connaître au grand public. En 1923, il rédige son chef-d’œuvre, « le Je et le Tu » (Ich und Du). « Qui n’a pas rencontré un "Tu" n’est pas véritablement un homme », écrit-il. Et, de fait, Martin Buber va être un homme de dialogue, transposant dans sa vie ce rapport entre l’homme et Dieu aux liens qu’il va créer avec le christianisme.
Cet enfermement mystique le suit même lorsque le désastre absolu frappe le peuple juif, et on a l’impression qu’il sous-estime longtemps la menace hitlérienne. Au moment où le parti nazi progresse en Allemagne, où on commence à frapper les juifs dans les rues, Martin Buber écrit un autre livre remarquable, « la Monarchie de Dieu »
C’est pourtant compter sans son adhésion au sionisme, dès 1903, dans le sillage de Weizmann. Il s’opposera sans cesse à son fondateur, Théodore Herzl, plaidant contre un État juif et pour la création de liens avec les Arabes. Ce qui nous vaut cette terrible explosion quasiment antisioniste : « Ni Herzl, ni Balfour, ni Ben Gourion ne sauraient se substituer à Dieu. » En 1938 Buber s’installe à Jérusalem, où il obtient une chaire d’anthropologie à l’Université hébraïque. Une installation qui lui a permis d’éviter le pire. Il meurt à Jérusalem le 13 juin 1965.
Si toute vie doit être « Rencontre avec », on ne peut que conseiller fortement l’impressionnant travail de Dominique Bourel et tout faire pour le rencontrer.
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