L'esprit du lac

Dans le sobre et élégant décor de la nouvelle vaste salle-à-manger, désormais ouverte sur le jardin-terrasse par une lumineuse verrière, face à la baie d’Angon et au Roc de Chère, le plaisir est au rendez-vous dans chaque assiette.

Les compositions de Jean Sulpice, qui fut bras droit de Marc Veyrat, dont il hérita le goût des herbes rares, jouent la surprise tout en enchantant le palais dès la dégustation des canapés en guise de mise en bouche : bouchée de langue de bœuf fumée avec touche de betterave et sablé au sarrasin aux herbes odorantes.

Succession de compositions bucoliques, le menu Dégustation permet d’apprécier toute la mesure du talent du jeune chef. Ainsi l’audacieuse et surprenante composition de vermicelles croustillants de pomme de terre, évoquant un nid d’oiseaux du lac, où niche un tronçon d’anguille fondante baigné d’un coulis de cresson surmonté de grains de caviar roulant sous la langue. Suivent des rouleaux de brochet alangui dans une émulsion de verveine citronnée, merveilles de légèreté.

L’omble chevalier, avec sa peau roulée en parchemin dévoilant la chair délicate du poisson roi des lacs alpins, assorti d’une délicate sauce à la violette, étonne agréablement les palais les plus blasés. Tout comme les plins (appellation piémontaise pour les raviolis) avec leur farce d’escargots et crème d’herbe gélifiée. Le bœuf d’origine Montbéliard joue la perfection. Présentée sur un lit de genièvre, sur lequel elle a été délicatement fumée avec un bouquet d’herbes et un jus réduit parfumé au porto et à la truffe, la viande, parfaitement saisie et légèrement croûtée, est un régal.

L’imposant chariot des fromages rend hommage au Pays de Savoie en alignant toute la gamme des meilleures pâtes du cru : tommes judicieusement sélectionnées, reblochons crémeux à souhait, beauforts de hautes volée, etc. À déguster absolument, la sublime surprise du chef, la mousse de Beaufort, nuage aérien et odorant sublimée d’herbe de montagne (ail des ours, mourons des oiseaux et feuille d’oxalis à l’acidité sauvage).

Le même esprit habite les plaisirs sucrés. Comme la variation sur la fraise des vallées dopée d’une goutte d’antésite. Et encore le délicieux chocolat, à la fois fondant et croustillant, stimulé par les saveurs d’un sorbet au persil.

La carte des vins, riche en grands crus de France (hérités en partie de la cave du Père Bise) aligne également le meilleur des vins de Savoie, dénichés sous la houlette de Magali Sulpice, qui fut très jeune sommelière. Pour les choisir, on se laissera guider, les yeux grands fermés, par l’un des sommeliers. Par exemple le jeune Aymeric, qui nous conseilla un remarquable cru rouge de Savoie du Domaine Saint-Germain, cuvée 2007, issu du rare cépage persan, qui fit merveille pour enchanter l’étincelante cuisine de Jean Sulpice.

Au bistrot Le 1903, ainsi appelé en hommage à la date de fondation de l’Auberge, Magali et Jean Sulpice ont eu la riche idée de garder sur la carte plusieurs plats emblématiques de la maison centenaire, comme le gratin d’écrevisses et l’omble chevalier meunière.

L’hôtel 5* Relais & Châteaux offre 23 chambres et suites (1 suite d’exception de 80 m2 avec grande terrasse privative avec jacuzzi, 2 grandes suites de 60 m2 et 5 juniors suites) situées au-dessus des restaurants avec vue panoramique sur le lac et dans une belle demeure côté jardin.

– 303, route du Port, 74290 Talloires-Montmin, tél. 04.50.60.72.01, www.perebise.com
– Restaurant Jean Sulpice : fermé mardi et mercredi (entre le 4 juillet et le 29 août, le mardi seulement). Menus à 90 € (sauf vendredi soir, samedi et dimanche midi), 160 et 200 € (menu dégustation). À la carte (entrée, plat et dessert), environ 150 € (hors boisson)
– Bistrot Le 1903 : fermé le lundi sauf en saison. Menus à 36, 39 et 44 €. Carte 55 € environ. Réservations au 04.50.60.48.02
– Chambres à partir de 229 €