Délaissant son inspiration autobiographique, Olivier Charneux écrit dans « Les Guérir » (Robert Laffont) la biographie romancée du médecin danois Carl Vaernet, qui profita des aberrations du nazisme pour mettre en pratique les fruits de ses convictions et des recherches de toute sa vie : « guérir » les homosexuels. Avec un grand recul, il montre comment ce médecin apprécié dans son pays mais qui avait hérité de son milieu une pensée eugéniste et productiviste, a voyagé à travers l’Europe d’avant-guerre pour mettre au point le procédé censé sauver les « invertis » : leur insérer sous la peau une capsule diffusant de la testostérone de façon continue ; et comment, sollicité par Himmler, il a réalisé ses sinistres expériences sur quinze détenus au camp de Buchenwald en 1944. Convaincu d’œuvrer pour « le bien de l’humanité ». Arrêté dans son pays en 1945 et aussitôt relâché, Carl Vaernet a été accueilli par le président Juan Peron en Argentine, où il est mort en 1965 à 72 ans.
Martin Winckler, l’auteur de « la Maladie de Sachs » (1998), situe son roman « Abraham et fils » (P.O.L.) en 1963, dans la Beauce, où arrivent un jour de printemps un père, médecin rapatrié d’Algérie, et son fils de neuf ans et demi. Leur vie a été brisée un an plus tôt par un « accident » qui a laissé l’enfant amnésique et dont le père ne parle jamais. Au-delà d’une relation filiale singulière – comment grandit-on quand on a oublié qui on est et quand la seule personne qui le sait reste muette –, l’auteur nous plonge dans la France profonde du début des années 1960 et déterre des secrets enfouis par l’Histoire.
Man Booker Prize 2014, « la Route étroite vers le nord lointain » (Actes Sud), de l’Australien Richard Flanagan, évoque la construction par les prisonniers des Japonais, pendant la guerre, d’une ligne de chemin de fer reliant le Siam et la Birmanie à travers la jungle. Dorrigo Evans était un jeune officier médecin lorsqu’il s’est retrouvé, en 1941, dans le camp de travail japonais. Il a 77 ans lorsqu’il est amené à rappeler ce terrible passé. Le récit entremêle le quotidien du chirurgien vieillissant – devenu un héros national pour avoir tout fait pour protéger ses hommes de la famine, du choléra, de l’épuisement et des mauvais traitements – à ses vaines tentatives pour se remémorer les visages des disparus. Porté par une écriture d’une grande puissance poétique, ce roman, fruit d’une très longue maturation, est inspiré par l’histoire du père de l’auteur, survivant de la « voie ferré de la mort ».
Russe de naissance, fils de l’écrivain dissident soviétique Andreï Siniavski, arrivé en France à l’âge de 10 ans, ingénieur de formation et écrivain de vocation, Iegor Gran met en scène, dans « le Retour de Russie » (P.O.L.), un certain Docteur Day, directeur d’un hôpital psychiatrique, dont la spécialité est de soigner les fous qui se prennent pour des personnalités historiques. Pour guérir un Napoléon plus vrai que l’original sous l’apparence d’une jeune femme, il emmène sa patiente en Russie, un voyage qui va se transformer en chasse au trésor. Une épopée à la lisière du fantastique et de la folie, entre bandits et simples d’esprit.
Malades en tous genres
« La Balade des pavés » (Gallimard), de l’auteure belge Sylvie Godefroid, montre les errances nocturnes d’une femme dans les rues de Bruxelles depuis l’annonce d’une boule sous son sein. Une façon pour elle de se préparer à des jours douloureux, de parcourir les couloirs d’un temps qui commence à compter, mais aussi, de rencontres en rencontres, de vouloir encore vivre et rire.
Récit à la première personne, « Deux livres de chair » (François Bourin) est l’histoire d’une reconstruction après que le cancer a attaqué ; reconstruction d’un corps et d’une personne, tant le sein, qui est ici la part que l’on doit retirer, est ce qui constitue une femme dans son identité et son intégralité. Un texte douloureux et fort de Florence Delaporte.
« Le Monde sensible » (L’Olivier) est le premier roman de Nathalie Gendrot (metteuse en scène, née en 1981), le récit d’une expérience sensorielle après que Delphine, renversée par une voiture, est transportée à l’hôpital dans un état grave. Pendant son séjour, elle tient une sorte de journal mental qui suit l’évolution de son état et de sa douleur, mais les injections de morphine biaisent son jugement.
Après « Portrait de l’écrivain en déchet » (2013), le poète et romancier Yves Mabin, 74 ans, publie « Un vieux dans le soleil couchant » (Gallimard). Un homme âgé, handicapé par un AVC, qui, tout en affrontant les difficultés de sa vie quotidienne, dresse un bilan souvent ému de son passé.
Le cinquième roman de Claire Berest, « Bellevue » (Stock), est la descente aux enfers d’une jeune Parisienne à qui tout semble sourire mais qui, le jour de ses 30 ans, se jette dans une errance d’autodestruction (alcoolisation, nymphomanie, mutilation), deux journées d’une violente dérive vers la folie qui la conduit en hôpital psychiatrique.
L’hôpital psychiatrique, l’Américain Ned Vizzini, auteur de six livres, l’a brièvement connu car il souffrait de dépression. Son séjour lui avait inspiré « It’s a Kind of a Funny Story » (2006), adapté au cinéma en 2012 et aujourd’hui traduit sous le titre « Tout plutôt qu’être moi » (La Belle Colère). Un garçon de 15 ans bien décidé à réussir sa vie, intègre l’une des plus prestigieuses prépas de New York, mais est dépassé très vite par la pression scolaire et sociale. Ned Vizzini s’est jeté du haut d’un immeuble en 2013, à l’âge de 32 ans.
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