Livres
Que s’est-il passé à Vienne en mars 1938, juste avant que Freud quitte l’Autriche pour se réfugier en Angleterre ? L’année dernière, un roman avait insinué qu’il s’était enfui en abandonnant ses sœurs, qui seront déportées. Dans « Un secret du docteur Freud » (1), Éliette Abécassis donne une tout autre vision du père de la psychanalyse, dans un roman qui est presque un thriller. Elle montre le vieil homme « fatigué, usé par la maladie et les chagrins », qui exhorte ses disciples à partir, tandis que lui n’a qu’une obsession : retrouver une lettre datée du 8 février 1897 adressée à son ex-ami Wilhelm Fliess. L’auteure nous plonge dans le climat de haine et de violence de l’époque mais aussi dans le passé de l’œuvre freudienne, les relations de Freud avec sa femme, sa fille, sa famille et ses amis. Avec, au cœur de l’action, un jeune commissaire aux Affaires juives, ambitieux et ambigu, qui le pourchasse, et sa patiente et disciple Marie Bonaparte, qui cherche à l’aider par tous les moyens.
Pour François Vallejo, prix du Livre Inter 2007 pour « Ouest », le roman est un chemin de traverse dans l’espace et dans le temps. Dans « Fleur et Sang » (2), il entrelace les destins de deux médecins : Étienne Delatour, un jeune interne passionné par son art et qui devient, de nos jours, un chirurgien cardiologue réputé ; et Urbain Delatour, qui, sous Louis XIV, marche dans les pas de son père, maître chirurgien-apothicaire, plus par obligation que par vocation. Ils seront tous les deux fascinés par une femme, l’un dans sa Touraine natale, par une sorte d’amazone qui terrifie les villageois, l’autre par une manipulatrice qui se révèle être la fille du patron de l’hôpital parisien où il travaille. Pour l’auteur, l’Histoire se répète éternellement et ces deux histoires intimement liées se déploient, se confrontent et finissent par se réunir.
Jean-Claude Pirotte était poète, romancier, essayiste et peintre. Il est parti en mai dernier en laissant une œuvre abondante pas toujours bien lue et après avoir évoqué son cancer dans « Brouillard », publié l’année dernière. « Portrait craché » (3) est un livre posthume dans lequel il ne cache ni la dégradation du corps ni les égarements de l’esprit de celui qu’il appelle « l’homme », car il a la pudeur, pour tenir la chronique de ses maux, d’employer la troisième personne. Il y revient aussi sur son enfance, qui éclaire ce qu’il est devenu, et surtout sur son amour des écrivains et des livres. Un hymne à la littérature très personnel, qui s’achève sur des lignes bouleversantes sur le silence et l’absence, car il s’agit « d’accueillir la mort et en quelque sorte de lui faire place nette ».
Témoignages
Comédien reconnu en Allemagne, Joachim Meyerhoff a fait sensation l’année dernière dans son pays en retraçant sa jeunesse entre les murs de la clinique psychiatrique Hesterberg, que dirigeait son père. Dans « Jusqu’ici et pas au-delà » (4), il déroule son expérience depuis ses 7 ans sous la forme de souvenirs plus ou moins romancés, dans un environnement et parmi des pensionnaires inattendus, et au sein d’une famille également atypique, des doux dingues dominés par un père pédopsychiatre, obèse et obsessionnel, totalement accaparé par son métier. On oscille entre situations cocasses et moments dramatiques, en fait des moments presque ordinaires mais baignés d’un parfum d’étrangeté.
Autre récit autobiographique, « les Mots qu’on ne me dit pas » (5) est la relation toute simple d’une enfance et d’une adolescence auprès de deux parents sourds-muets. L’auteure de ce petit opus, Véronique Poulain, est entendante, elle travaille dans le spectacle vivant et elle a deux enfants. À force d’anecdotes résolument drôles, elle dit la difficulté de grandir auprès de parents handicapés, en particulier pour communiquer, elle raconte ce qu’elle appelle « l’univers des sourds » au quotidien et même leur intimité, son tiraillement entre le bruit qu’elle subit ou dont elle s’étourdit le jour et le silence du soir, son amour et ses rejets de son père et de sa mère. C’est un peu provocateur et un peu superficiel mais assez plaisant pour jeter un pont entre les deux mondes.
Laetitia Mendes ne cache pas que, si elle s’est décidée à divulguer pourquoi elle a choisi de subir une ablation préventive des deux seins, c’est pour rendre hommage à sa mère morte du cancer et pour aider les femmes porteuses de la mutation génétique BRCA 1 et 2. Elle avait 26 ans, écrit-elle dans « Mon petit gène, ma seconde chance » (6), lorsqu’elle a pris cette décision, et il lui a fallu bien des années et des souffrances : le temps de la reconstruction physique et psychologique, le témoignage d’Angelina Jolie et l’obligation encore de se faire retirer les prothèses PIP qu’elle portait, pour oser s’exprimer. Pour elle, la mastectomie préventive est encore une intervention méconnue.
(1) Flammarion, 193 p., 18 euros.
(2) Viviane Hamy, 259 p., 19 euros.
(3) Le Cherche Midi éditeur, 191 p., 16,50 euros.
(4) Anne Carrière, 378 p., 22 euros.
(5) Stock, 141 p., 16,50 euros.
(6) Anne Carrière, 184 p., 17 euros.
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