Ainsi que le dit le présentateur des textes, « Bonhoeffer n’est pas un théologien dans sa bulle, dans sa bibliothèque, c’est un théologien en prison ». Incarcéré par les Nazis à la prison d’arrêt militaire de Tegel, à Berlin, à un moment où des chrétiens allemands font allégeance à la croix gammée, Dietrich Bonhoeffer va, quatre siècles après Luther, promouvoir un christianisme authentique, libéré des antiques dogmes grecs, des fabrications idéologiques des premières sectes chrétiennes et des systèmes scolastiques.
Il en ressort une véritable découverte : être chrétien ne signifie pas être religieux mais « être d’abord un être vivant qui accueille la vie du Christ ». En prenant bien, dit l’auteur, l’idée de découverte dans sa stricte vérité, c’est-à-dire en déshabillant Jésus du fatras de religiosité qui le masquait.
Christian Delahaye situe assez vite son personnage dans un bain d’idées et de lectures. Il lit bien sûr l’Ancien et le Nouveau Testament, avec une nette préférence pour le premier, s’intéresse au juriste Grotius et au philosophe Wilhelm Dilthey. Il tire de ce dernier le thème très kantien de l’autonomie de la raison, une raison qui peut se passer de l’autorité divine. Une idée que Bonhoeffer recoupe d’une constatation de prisonnier : sous les bombes, les détenus tremblaient, mais personne ne priait.
Contre l’Église
C’est dans ce contexte dramatique qu’émerge peu à peu l’œuvre principale de notre théologien, les « Lettres théologiques », que Christian Delahaye reclasse de manière chronologique. Ces lettres sont adressées à un disciple et ami, Eberhard Bethge. Leur expéditeur note avec humour qu’il craint moins la censure nazie que le regard sur son œuvre des autorités ecclésiastiques.
On trouve dans l’œuvre de Dietrich Bonhoeffer une charge terrible contre l’Église et ses positions traditionnelles : « L’Église confesse ne pas s’être acquittée avec suffisamment de clarté et de franchise de sa mission, qui consiste à annoncer le Dieu unique qui s’est révélé en Jésus-Christ. » Une mission souvent trahie, car elle « a fréquemment refusé la miséricorde qu’elle devait aux exilés et aux méprisés » ; et elle « a toléré que violence et injustice fussent faites à l’ombre du Christ ».
On rencontre au fil des chapitres de nombreuses problématiques, comme l’idée d’une nouvelle interprétation (herméneutique) par où il combat la théologie de Karl Barth, et une volonté de s’opposer à un soi-disant dolorisme chrétien, si souvent évoqué par Nietzsche.
On se souvient de la formule « On attendait le Christ, ce fut l’Église », souvent interprétée comme l’image d’un message vibrant enseveli sous une pesante institution. Le texte de Dietrich Bonhoeffer dit intensément le contraire. « L’Église n’est pas un organisme à côté de Jésus-Christ (...) L’Église n’est rien d’autre que la partie de l’humanité dans laquelle le Christ a pris forme. »
* Collaborateur du « Quotidien du Médecin », auteur en 2014 de « la Laïcité à l’hôpital » (éditions Parole et Silence).
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