Idées
Une existence juive, clairement marquée par l’Histoire, inaugure ces réflexions. Il y a au début de ce livre une scène glaçante. Début 1940, donc avant la conférence de Wannsee, le père de George Steiner rencontre à New York un Allemand qu’il connaît et qui lui dit : « Tu vas m’écouter, nous allons traverser la France comme un couteau dans du beurre chaud. Sors ta famille de là à tout prix. » La suite, c’est une rapide émigration à New York et, au sortir de la guerre, une installation à Cambridge, où notre héros va vivre avec l’élite littéraire et scientifique de l’Europe.
Hitler avait voulu insulter, humilier en parlant de « Luftmensch » pour définir les juifs : l’homme du vent qui ne peut se poser nulle part. Une identité que George Steiner revendique contre les racines, contre la possession de son petit lopin de terre et pour l’adoption immédiate de tout ce qui diffère. Sa fille Déborah a adopté deux petites filles venant d’un orphelinat d’Hyderabad, en Inde. Un sujet sur lequel il se met littéralement en colère. Il considère que dire « je ne peux aimer que ceux qui sont comme moi, c’est une saleté de l’âme. »
L’existence juive, où peut-elle aujourd’hui s’établir ? La réponse en décevra plus d’un : sûrement pas en Israël. Bien sûr, pour survivre (ça, c’est pour les antisionistes de salon), Israël doit tuer et torturer, mais, dit Steiner, en devenant un peuple comme les autres « ils (les Israéliens) m’ont enlevé ce titre de noblesse que je leur donnais. »
Langues maternelles
De là, on passe facilement à un autre thème, l’importance des langues et la crispation des peuples européens sur une langue maternelle (le monoglottisme). Beaucoup de peuples ont plusieurs langues maternelles, souligne George Steiner, qui évoque sa propre mère, laquelle commençait une phrase en allemand autrichien et la terminait en français. On ne s’y attend pas, cet entremêlement des langues le mène tout à coup vers une gentille divagation érotique…
Plus sérieusement, notre penseur explique pourquoi il a refusé de rencontrer Heidegger, en quoi il a pour Simone Weil une vraie détestation (que nous partageons) et peu de considération pour Hannah Arendt. Des jugements terriblement abrupts mais fondés.
Lorsque Laure Adler le questionne sur « le dernier rendez-vous », George Steiner note « qu’il est aussi trouillard que n’importe qui » mais que son dernier regret « sera de ne pas voir son journal du soir ».
« Un long samedi », George Steiner avec Laure Adler, entretiens, Flammarion/France Culture, 170 p., 18 euros.
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