À ceux qui pensent atteindre le sommet du mont Aiguille, nous disons, attention ! Ne grimpe pas qui veut ce kyste calcaire aux parois vertigineuses, dont le sommet se gagne après le franchissement de passages délicats, solidement encordé. Malgré son altitude modérée, un guide de haute montagne est indispensable. Alors, pour profiter du mont en évitant la case alpinisme, il reste l’option « balade à distance ». Accessible à tous, elle permet de profiter à plein de la montagne plutôt que de grimper les yeux rivés à sa falaise.
Parmi les différents itinéraires, celui conduisant au Pas de l’Aiguille est l’un des plus agréables. Pour s’y rendre, direction Les Fourchaux, un cul de vallée niché après le hameau de la Richardière, sur la commune de Chichilianne, à 1 206 m d’altitude. Vous êtes ici dans le Trièves, une région alpine aux paysages ouverts, à 50 km environ au sud de Grenoble.
Les marcheurs ne sont pas si nombreux dans les parages, aussi la randonnée s’effectue-t-elle en général dans un environnement assourdi. Face à soi : la barrière du Vercors, 500 m de dénivelé à gravir pour rejoindre le « Pas », un col donnant accès au plateau et au rebord calcaire, dans la Réserve naturelle des Hauts Plateaux du Vercors. Tout au long du sentier qui grimpe dans une encoignure du massif, le mont Aiguille nous fait face. Ou plutôt, nous « fait dos ».
Fascination devant sa forme géométrique, une dent carrée au sommet en galette recouvert de pelouses. Sentiment d’ivresse face aux falaises à quatre faces affichant plus de 300 m de hauteur. Admiration devant les versants d’éboulis tapissés d’arbres. Un cours de géologie grandeur nature ! À la base du mont, des marnes et des calcaires tendres ; au dessus, des calcaires résistants : il n’en fallait pas plus pour qu’au fil du temps, le mont prenne sa forme caractéristique et se « détache » du Vercors.
Cette montagne aux pouvoirs quasi-hypnotiques en a intrigué beaucoup. De mythes en légendes sur son origine prétendument surnaturelle, il faut attendre 1492 pour qu’un seigneur lorrain, Antoine de Ville, réalise la première ascension. L’exploit a un tel retentissement que ses échos ont perduré jusqu’à nos jours. Cette « grimpette » moyenâgeuse signe en effet l’acte de naissance de l’alpinisme. D’autres ascensions suivront et entretiendront la légende du mont Aiguille.
Plus tard, des aventuriers se distingueront par des faits d’armes plus incongrus. En 1957, le pilote Henri Giraud fut le premier à poser un petit avion sur la prairie sommitale. Tout en grimpant en plein soleil vers le Pas de l’Aiguille, on s’interroge sur la solidité du « caillou ». Puisque le travail de sape géologique l’a détaché du Vercors, ne risque-t-il pas un jour de disparaître ? Il y a des risques. Les habitants de Chichilianne sont bien placés pour le savoir : installés aux premières loges, ils entendent le tonnerre des éboulements lorsque ceux-ci se produisent. Fatale érosion…
Mémoire de la Résistance
Une fois franchi le Pas de l’Aiguille (1 622 m), on quitte le chemin sec et pierreux pour fouler les pelouses tendres du Vercors, parsemées de pins à crochets. Changement de décor et de température. La montagne vient subitement de rattraper le randonneur… Ce secteur du plateau évoque un des épisodes dramatiques de la Résistance. Une grande stèle et des tombes rappellent qu’ici des hommes ont été sacrifiés. En juillet 1944, pendant trois jours, une vingtaine de maquisards réfugiés dans une grotte voisine (accessible à pied depuis le sentier), ont été pris sous le feu allemand. Deux seront tués. Trois autres, grièvement blessés, mettront fin à leurs jours. Le reste de la troupe profitera d’une nuit de brouillard pour s’extirper de la grotte et dévaler sains et saufs les pentes vers le Trièves.
Autour du chalet d’alpage, ou dans un creux de pelouse parfois foulée par des chevaux, le lieu se prête à la détente et au pique-nique. Le mont Aiguille est toujours là, à l’écart, poinçon ultime dressé comme une citadelle imprenable. Tantôt il apparaît large et imposant, tantôt il est étroit et réduit à une simple… aiguille. Son ombre donne l’heure depuis la nuit des temps. Jadis, lorsque « la pierre de 4 heures » passait dans la pénombre, c’était le signe pour les bergers qu’il fallait redescendre au village. Des vautours, réapparus dans le Vercors, le survolent désormais, exaltant le spectacle sur ce sommet fascinant.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série