Certains exemples sont très célèbres. Jean-Jacques Rousseau mettant ses enfants à l’Assistance publique après avoir écrit un traité de l’éducation. Sartre, penseur de l’engagement, fort peu engagé pendant la deuxième guerre mondiale. Plus près de nous, Gilles Deleuze prêchant le nomadisme en s’étant calfeutré chez lui.
Peut-on pour autant parler de mensonge, voire d’insupportables contradictions ? François Noudelmann examine longuement l’exemple de Rousseau. Ce dernier a la manie de déclarer qu’il aime la vérité, qu’il l’incarne. Dans « les Confessions », il ne cesse de justifier ses actes. Dans « Rousseau juge de Jean-Jacques », il se met cruellement en accusation, mais s’en sort comme souvent par une pirouette : il aime la vérité, ce qui ne va pas jusqu’à la pratiquer ! Tout comme l’amour de ses parents n’empêche pas de souhaiter leur mort, la faute à l’héritage…
De fait, les exemples donnés par le livre ne sont pas vraiment ceux de mensonges purs. Ils renvoient à l’alternance, à la dualité, à l’ambivalence, à la mauvaise foi. « Il faut être pieux le matin et débauché le soir », ironisait Montherlant. On peut accorder tellement de foi à un mensonge qu’il en devient sincère, c’est le « mentir vrai » d’Aragon.
Sincère, Sartre l’est vraiment, hélas, lorsqu’il prend le poste d’un professeur juif poussé à la retraite durant l’Occupation ; au nom de quoi un professeur ne serait-il pas minable et, comme il dit, « poisseux » ? Mais il est aussi sincère lorsque, peu après la fin de la guerre, il est l’un des seuls à soulever la question de la détresse juive après la Shoah.
Des symptômes
De fait, les liens qu’on se plaît à établir entre l’œuvre et la vie permettent surtout à l’homme de la rue de se satisfaire d’une réduction du supérieur à l’inférieur. « Finalement ils sont bien comme nous », se dira-t-on confronté aux dérèglements sexuels du couple Sartre-Beauvoir.
Beaucoup plus pointu est le thème qui apparaît vers la fin. François Noudelmann met l’accent sur la manière dont les auteurs créent des concepts, prennent possession de leurs propres théories. « La face publique d’un penseur, dit l’auteur, suppose aussi un envers dans le processus même de ses pensées, de sorte que ce revers est moins son être caché que son double agissant. » Les concepts seraient donc des symptômes ? Ainsi se relance la fécondité de ce livre passionnant.
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