Psychiatre installé à Strasbourg depuis près de trente ans, le Dr Georges Federmann a mis sa pratique au service des exclus et des démunis, en s’engageant tout particulièrement aux côtés des sans-papiers.
Adoré ou contesté, mais toujours atypique, il a ouvert sa porte, pendant plusieurs années, au réalisateur Swen de Pauw, qui a filmé deux fois par semaine ses échanges et consultations menées avec 80 patients : 7 d’entre eux, face au médecin, constituent la « distribution » du film « Le Divan du Monde » qui sort le 16 mars à Paris et dans quelques autres villes.
500 heures de consultations
À l’origine, explique Georges Federmann, Swen faisait un reportage sur les salles d’attente des psychiatres strasbourgeois : il prit alors l’habitude de s’installer dans la sienne, toujours bondée, car il travaille sans rendez-vous, et c’est de ces longs moments passés avec les patients de cette salle qu’est née l’idée du film entièrement centré sur son cabinet.
Si le réalisateur a filmé plus de 500 heures de consultations, il a finalement sélectionné, avec le médecin, le parcours de 7 patients, concentré en 95 minutes mais étalé, en réalité, sur plusieurs années. Le film se termine d’ailleurs sur une note d’espoir, explique le médecin car, « s’il rappelle que l’on ne guérit pas, il montre comment nous pouvons devenir le compagnon de route du patient et l’aider à trouver les ressources de sa résistance ».
Bien évidemment, tous les patients filmés par la caméra ont été informés de la démarche, avec la possibilité d’en sortir à tout moment, et très peu s’y sont opposés. Parmi les patients filmés, une femme battue qui s’est réfugiée dans l’alcool et deux sans papiers, mais tous, note le médecin, sont finalement indifférents à la caméra car envahis d’abord par leur souffrance. « J’ai juste suggéré à Swen de ne pas conserver les plans faits avec deux patients particulièrement fragiles, mais pour le reste, j’ai totalement respecté ses décisions, même si nous avons tout revu ensemble ».
Réalisé avec une grande simplicité de moyen, toujours dans le bureau de consultation et sans aucun fond musical, le film a même amené le Dr Federmann à repenser son propre travail : « Face à la caméra, le médecin et le patient sont à égalité, et le praticien apprend beaucoup en s’observant lui-même ». Au-delà de l’approche humaniste, ajoute-t-il, c’est un document clinique sur une pratique, qui peut amener tous les soignants à réfléchir, avec lui, sur la manière d’accompagner les plus fragiles.
Sorti dans une quinzaine de salles
Présenté en avant-première mardi soir à Strasbourg, le film, suivi d’un débat, a fait salle comble, et sera officiellement lancé ce mercredi dans une quinzaine de salles, dont l’Espace Saint Michel à Paris.
Le film se double de la sortie d’un livre autobiographique (1) qui aborde non seulement la pratique, mais aussi les convictions philosophiques et éthiques du Dr Federmann, qui combat depuis toujours le racisme et l’exclusion, en particulier au sein du corps médical. Son engagement, aussi tenace qu’exigeant, est né de sa longue réflexion, parfois dérangeante, sur les connivences entre les médecins allemands et les bourreaux de l’Holocauste, avec une question lancinante : le corps médical, aujourd’hui, est-il vraiment « lavé », voire « immunisé » face à de telles collusions ?
Mais loin de constituer un bilan ou une fin, le film comme le livre illustrent, au contraire, la volonté du Dr Federmann de poursuivre encore plus loin cette écoute de l’autre et ce cheminement de vie avec ses « frères en humanité ».
(1) « Le Divan du Monde », de Georges Federmann (éditions Golias, décembre 2015)
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