Exemple particulièrement réussi du roman d’aventures, « Pour l’amour du capitaine » (1) nous entraîne dans une improbable croisière le long de la côte chilienne. L’auteur de ce picaresque récit, Hervé Hamon, est connu pour ses enquêtes et ses essais (« Génération », « Ceux d’en haut », « Tant qu’il y aura des élèves »), pour ses reportages maritimes et ses ouvrages de fiction, parmi lesquels son premier roman, « Paquebot », qui voguait dans l’océan Indien. La croisière où il nous embarque huit ans après est tout aussi mouvementée, qui entremêle les destins d’une trentaine de personnages, croisiéristes et membres de l’équipage, dans le huis-clos d’un vieux bateau relooké par des aigrefins avec des conférenciers invités pour vanter la nature en danger. Cela n’est que prétexte pour cacher des « affaires » à grande échelle, mais Dame Nature aura bien le dernier mot ! Restent des histoires humaines racontées avec force coups de théâtre – à défaut de coups de vent – et un enthousiasme de pirate.
C’est aussi au Chili que nous mène Héctor Tobar, lauréat du prix Pulitzer en 1992 pour son travail sur les émeutes de Los Angeles et auteur de « Printemps barbare ». Dans « Les 33. La fureur de survivre » (2), il raconte une aventure humaine qui a tenu en haleine le monde entier. Cela s’est passé en août 2010, en plein cœur du désert d’Atacama, après qu’un éboulement dans une mine de cuivre a fait prisonniers 33 hommes à plus de 700 mètres sous terre. Pendant 52 jours et alors que les sauveteurs s’acharnent à les libérer, ces hommes ont affronté l’épreuve la plus difficile : vivre ensemble alors que la solidarité se fissure et que les tensions s’exacerbent. Composé à partir d’interviews exclusives, l’ouvrage se dévore comme un roman « captivant ».
Contre la mélancolie
Après « Maux d’excuse, les mots de l’hypocondrie », Patrice Delbourg poursuit son combat contre sa mélancolie avec un roman d’humour noir très amusant. Le thème de « Villa Quolibet » (3) n’est pas nouveau, mais il le renouvelle : un homme qui n’est plus dans la fleur de l’âge et qui ne s’est jamais servi d’un outil hérite de la maison familiale abandonnée depuis des lustres à sa décrépitude et se met en tête de la restaurer. Patrice Delbourg décrit le chantier apocalyptique qui s’installe avec son lot d’ouvriers mercenaires, d’intempéries, de retards et déprédations en tous genres en même temps qu’il brosse le portrait d’un homme désemparé, atrabilaire et solitaire, avec le même amour des mots, la même originalité, qu’il s’agisse de termes professionnels ou de sentiments. Une écriture rare.
Grand voyageur devant l’Éternel, Jean Raspail, né en 1925, n’a cessé de nous entraîner aux confins du réel et de l’imaginaire. Dans un volume préfacé par Sylvain Tesson, « Là-bas, au loin, si loin… » (4), la collection « Bouquins » réunit quatre de ses romans : « le Jeu du Roi ; Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (Grand Prix du roman de l’Académie française) ; « Qui se souvient des hommes » (cycle « la Patagonie »), « Septentrion » et « Sept cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule par la porte de l’Ouest qui n’était plus gardée » (cycle « les Confins »). S’y ajoute un ouvrage inédit et inachevé, « la Miséricorde », écrit entre 1966 et 2013 et inspiré d’une histoire vraie, où dominent les notions d’honneur et de fidélité, mais aussi d’indignité et de rédemption.
L’audace de conter
Peut-on vivre impunément mille vies dans une seule vie et gagne-t-on vraiment au jeu à qui perd gagne, demande l’écrivaine britannique d’origine pakistanaise Roopa Farooki (« le Choix de Goldie ») dans « l’Art acrobatique de la fugue » (5), en relatant le long parcours de son héros Maqil, né en 1931 à Lahore (Pendjab), mort en 2012 à Biarritz (France) ? Maqil, connu aussi sous le nom de Sunny, Mike, Michel, Mehmet, Mikhaïl, Miguel…, qui a vécu au Pakistan, au Caire, à Paris, à Londres, à Madrid, à Hong Kong…, qui s’est marié une fois, deux fois, trois fois, abandonnant femmes, enfants, carrières derrière lui…, qui a perdu au moins autant qu’il a gagné, au jeu comme dans la vie.
Un libraire breton, Bruno Carlisi, a eu le courage d’inventer une histoire très personnelle et pertinente façon « Mille et une nuits ». « Alzahel, ou les nuits que Shahrâzâd n’eut l’audace de conter » (6) est un premier roman écrit dans la tradition des conteurs arabes, qui prend à partie le lecteur et nous entraîne dans des périples aventureux et merveilleux à la suite du héros détenteur du Verbe Droit, un pouvoir qui donne à la parole la capacité d’agir sur le réel. Conte fantastique autant que d’initiation, le récit déborde de péripéties, de rencontres étranges, de luttes entre le bien et le mal, de joutes verbales mortelles, de rires et de drames, d’amours et de sexualité, de violence et de poésie. On se laisse emporter avec bonheur dans ce maelström qui offre une vision inattendue d’une époque, la fin du VIIIe siècle, et d’une littérature fantasmées.
(2) Belfond, 414 p., 21,50 euros.
(3) Le Cherche Midi , 326 p., 18,80 euros.
(4) Robert Laffont, 1172 p., 30 euros.
(5) Gaïa , 397 p., 22 euros.
(6) Carpentier, 446 p., 19,90 euros.
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