Aujourd'hui sort en salle « la Fille de Brest » d'Emmanuelle Bercot qui retrace la genèse de l'affaire Mediator, des premiers doutes qu'a le Dr Irène Frachon jusqu'à la publication du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en janvier 2011. Un beau film de genre, qui s'élève jusqu'au portrait, celui d'une femme ordinaire prise dans un combat extraordinaire, servi magistralement par l'actrice danoise Sidse Babett Knudsen.
Une femme nage dans l'Atlantique ; lutte contre les éléments mais ne coule pas. L'ouverture de « la Fille de Brest » donne le ton : le film raconte le combat haletant d'une femme ordinaire (la pneumologue Irène Frachon), contre la puissance de tout un système qui a permis l'existence du Mediator, l'antidiabétique des laboratoires Servier commercialisé en 1976 et utilisé hors AMM comme coupe-faim jusqu'à son interdiction en France en novembre 2009.
Des airs de thriller
Le film, qui s'inspire notamment du documentaire d'Anne Richard, rend passionnant un dossier extrêmement technique. Comment ? En lui donnant des airs de thriller, « parce qu'Irène Frachon l'a vécu ainsi », justifie la réalisatrice Emmanuelle Bercot, qui a su rendre tangible la peur qu'a pu ressentir son héroïne. « J'avais l'impression que je vivais dans un film. Que la réalité dépassait la fiction », se souvient aujourd'hui le Dr Irène Frachon.
« La Fille de Brest » prend aussi aux tripes car la réalisation rend charnelle une enquête qui aurait pu se cantonner à une bataille de chiffres. Les valvulopathies sont filmées à cœur ouvert. Les patients ne sont pas des dossiers désincarnés : on suit et, comme le Dr Frachon, on s'attache à l'une d'elles (Isabelle de Hertogh) qui s'accroche au Mediator pour perdre du poids… à ses tragiques dépens. Quant aux protocoles et à la recherche de preuves scientifiques, ils prennent vie à travers Benoît Magimel, qui interprète le chercheur Antoine Le Bihan sur un mode grave, et à son contrepoint léger, Garance Mazureck, qui joue une jeune thésarde en pharmacie. Autre talent du film : la caractérisation des personnages secondaires, pièces stratégiques dans l'affaire Mediator : l'accent du Sud-Ouest du député Gérard Bapt, la jeunesse de l'avocat Charles Joseph-Oudin, la gouaille de la journaliste du « Figaro » Anne Jouan, les silhouettes d'Aquilino Morelle et de Catherine Hills, ou encore les cours de tennis où évolue la « taupe » de l'Assurance-maladie.
Hommage et justice
Au-delà de l'affaire Mediator, « la Fille de Brest » dessine un magnifique portrait de femme, dans la veine d'« Erin Brockovich », de Steven Soderbergh. Une femme aux multiples visages, incarnée par Sidse Babett knudsen (connue pour son rôle dans la série « Borgen »), totalement crédible, la croix huguenote de son modèle au cou. On voit une médecin mue par sa vocation de soigner des corps en souffrance et de comprendre ce qui arrive à ses patients, une mère de famille débordée et parfois clownesque, une citoyenne qui va tomber des nues en se heurtant à l'épaisseur des conflits d'intérêts, mais aussi une femme qui se sent investie d'une mission, impatiente et entêtée, prête à faire fi des autorisations administratives, voire à mettre en position indélicate certains de ses collègues, tant elle est convaincue de pratiquer « une médecine de guerre » (sic). Une femme, enfin, dont l'émotivité ne cadre pas avec les rouages secs des instances administratives, face auxquelles elle a pu être humiliée.
Et c'est peut-être dans ces scènes de confrontation, dans l'arène de l'Agence de sécurité du médicament (alors AFSSAPS), entre le corps tantôt éructant, tantôt pleurant d'Irène Frachon, et les corps rigides et encostardés des représentants des laboratoires pharmaceutiques, qu'Emmanuelle Bercot donne sa vision la plus personnelle de cette lutte de David contre Goliath. Et rend hommage et justice à son modèle – comme elle a pu le faire à l'égard d'autres univers que celui de la santé dans la « Tête haute » ou « Polisse » de Maïwenn, dont elle a cosigné le scénario.
Si le film s'arrête en janvier 2011, à l'orée de l'explosion médiatique, le combat du Dr Frachon, lui, continue, en faveur de l'indemnisation des victimes. Dans l'attente et l'espoir qu'un procès s'ouvre au pénal.
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