Livres
Dans « le Soldeur » (1), Michel Field, homme de télévision et de radio en même temps qu’écrivain, redonne au livre sa place première en bricolant une vague intrigue romanesque. Le narrateur, qui a du mal à payer ses factures, décide de vendre des livres qui n’ont présenté pour lui « qu’un intérêt ponctuel » (ceux sur la presse et la télévision !). Chez le soldeur, il est subjugué par une femme qui accepte de le revoir à condition qu’il lui apporte tous les livres en relation avec un mot qu’elle lui aura dit la veille par téléphone. Il finira par se défaire de toute sa bibliothèque. Michel Field a trouvé ainsi un moyen plaisant de partager ses auteurs préférés, mais, surtout, il s’interroge sur la place et le sens du livre : est-il le meilleur accès au monde ou au contraire une sorte de voile qu’il faut traverser pour accéder au réel ?
Colette Fellous – la romancière de « Petit Casino » et d’« Avenue de France », plus une quinzaine d’autres titres – a étudié avec Roland Barthes à l’École pratique des hautes études de 1971 à 1975. Ce dernier lui avait dit : « Vous avez le droit de dire je, vous savez… alors allez-y, dites je, écrivez, lancez-vous. ». « La Préparation de la vie » (2) est un hommage à son maître disparu il y a 34 ans, qui lui a permis, selon son expression, de marcher dans sa mémoire, rêveuse et précise à la fois. Dans ce livre ponctué de quelques photos, pour la plupart prises par elle, l’auteure mêle le passé et le présent, des souvenirs de Barthes et de sa propre vie depuis son enfance en Tunisie, sa jeunesse à Paris entre danse et comédie, ses amours et ses voyages. Sa vie à elle, qu’il a toujours accompagnée.
Connu internationalement dès son premier roman « le Vieux qui lisait des romans d’amour », le Chilien Luis Sepúlveda revient sur son parcours dans un livre paru sous le titre « Escrituras en tiempos de crisis » et bizarrement traduit par « Ingrédients pour une vie de passions formidables » (3). L’écrivain refait le parcours de sa vie sous forme de brefs instantanés – encore – témoignant de son enfance, son engagement politique et écologique, ses amitiés, son goût du voyage, l’exil, sa famille et même de son chien. En six pages intitulées « un doute et une certitude », il confesse ainsi comment un premier chagrin d’amour, lorsqu’il avait 13 ans, l’a conduit sur le chemin de la poésie plutôt que dans les stades de foot…
« Italie barbare » (4) est un texte de Curzio Malaparte (1898-1957) inédit en France. Il a été publié en 1925 par Piero Gobetti, antifasciste convaincu et ennemi déclaré de l’écrivain, alors que ce dernier était déjà, à moins de 30 ans, un acteur incontournable du monde littéraire et qu’il figurait parmi les plus brillants partisans de Mussolini. C’est dire qu’il faut lire cet essai politico-littéraire, qui balaye l’histoire de l’Italie et de son patrimoine culturel, au-delà des frontières partisanes.
Violence américaine
Également inédit, « Une saison de nuits » (5), le premier roman de Joan Didion, est enfin traduit. L’écrivaine – prix Médicis essai en 2007 pour « l’Année de la pensée magique » et auteure récemment du « Bleu de la nuit » – n’a pas 30 ans lorsque paraît en 1963 « Run River ». Sous le prétexte d’un fait divers banal – un mari tue l’amant de sa femme – et en remontant le temps jusqu’à l’époque des grands pionniers californiens, dont les protagonistes sont les ultimes descendants, Joan Didion analyse tout simplement, à force de tromperies et de faux-semblants, la fin du rêve américain.
Une nouvelle traduction peut être un événement. C’est le cas pour « Last Exit to Brooklyn » (7), dans lequel Hubert SelbyJr. (1928-2004) dresse le portrait réaliste et halluciné de marginaux new-yorkais, un monde fait de violence, de drogue et de sexe.. Il s’agit de son premier et plus célèbre roman, qu’il a retravaillé pendant six ans avant de le publier en 1964, dans lequel il retranscrit au plus près la façon la vie des personnages mais aussi leur style oral ; d’où son refus catégorique de l’apostrophe et son orthographe plus ou moins phonétique. Les traducteurs, Jean-Pierre Carasso et Jacqueline Huet, ont adopté une sorte de cote mal taillée dont le résultat est une version aussi lisible qu’efficace.
Autre enfant terrible des lettres, Charles Bukowski (1920-1994) revient aussi sur le devant de la scène avec « le Retour du Vieux dégueulasse » (8), qui réunit une trentaine de chroniques non publiées, datées de 1967 à 1984. Elles sont de la même eau que ses livres, qui transgressent tous les tabous et explorent toutes les formes de sexualité, toutes les « perversions », toutes les « déviances ».
(1) Julliard, 349 p., 20 euros.
(2) Gallimard, 203 p., 21 euros.
(3) Métailié, 142 p., 16 euros.
(4) Quai Voltaire, 187 p., 17 euros.
(5) Grasset, 332 p., 20 euros.
(6) Albin Michel, 404 p., 24,50 euros.
(7) Grasset, 347 p., 20,90 euros.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série