Destins et figures de l'art moderne

Une découverte en France, la peintre allemande Paula Modersohn-Becker (1876-1907), avec une centaine de dessins et peintures qui retracent ses 10 ans de carrière artistique.

C'est au cours de plusieurs séjours parisiens, après une formation à Berlin et des débuts avec la communauté artistique Worpswede, dans le nord de l’Allemagne, que Paula Modersohn-Becker découvre Rodin, Cézanne, Gauguin, le Douanier Rousseau, Picasso, Matisse, l’art primitif, et qu’elle développe une forme de primitivisme intemporel.

Des enfants graves qui ont perdu leur insouciance, des autoportraits introspectifs, qui sont pour elle autant d’expériences formelles. Une intimité sensible d’une mère et de son enfant, des paysages aux formes simplifiées, des natures mortes lumineuses. Après sa mort prématurée, des suites d'un accouchement, Rilke lui rend hommage dans « Requiem pour une amie ».

Figure majeure de l’art moderne, avec ses sujets traditionnels, elle figurera dans l’exposition d’« art dégénéré » de Munich, organisée par les Nazis en 1937. Marie Darrieussecq lui consacre un livre biographique, « Être ici est une splendeur » (P.O.L.).

Harmonies infinies

Une rétrospective avec une centaine d’œuvres du peintre Albert Marquet (1875-1947). Après avoir été l’élève de Gustave Moreau, avec Matisse et Rouault, qui resteront ses amis proches, il garde du post-impressionnisme la spontanéité et du fauvisme les couleurs pures et les formes simples en aplats. Mais ce qui semble si naturel chez lui est le fruit d’une construction un peu systématique faite d’obliques, qu’il utilise pour les quais de Seine, les vues de Notre-Dame, les ports d’Europe et dans ses paysages en miroir se reflétant dans l’eau.

On l’apprécie pour l’infinité de ses harmonies de couleurs, de transparences, avec très belles lumières d’hiver, et on découvre aussi son talent de caricaturiste, de dessinateur et ses nus érotiques.

Influences de la photographie

La photographie a mené un long combat pour se faire reconnaître comme un art à part entière. L’artiste conceptuel néerlandais Jan Dibbets (né en 1941) choisit une lecture opposée de son histoire en démontrant que « sa richesse réside plus dans ses spécificités et dans les possibilités offertes par la technique que dans le contenu et l’objet photographié ». Et dans l’exposition, il réalise un va-et-vient entre les nouvelles avancées et leurs influences sur la création artistique, avec tous les grands noms de son histoire Niépce, Le Gray, Marey, Muybridge Blossfeldt, Man Ray, Rodtchenko, Paul Strand, Berenice Abbott, Bruce Nauman, Thomas Ruff, Katharina Sieverding, Seth Price.

Une vie faite de drames

Une autre artiste méconnue en France – du moins jusqu'au livre de David Foenkinos (« Charlotte », Gallimard, 2014) –, Charlotte Salomon (1917-1943). Son œuvre « Vie ? Ou Théâtre ? », d’une force extraordinaire, retrace, en un millier de gouaches et de calques, l’histoire de sa vie faite de drames. Des suicides de toutes les femmes de sa famille juive à son exil à Villefranche-sur-Mer dans le sud de la France, avant sa déportation fatale à Auschwitz, à 26 ans.

Images de couleurs vives et textes à la manière d’une bande dessinée relatent avec lucidité, ironie, angoisse, poésie, son quotidien et ses interrogations. Avant d’être déportée, elle confie ses feuilles à son médecin, le Dr Moridis, qui les remet à l'amie américaine qui l’avait hébergée, laquelle à son tour les donne à ses parents, qui, eux aussi conscients de ce témoignage unique et de la richesse de l’œuvre, les donnent au Jewish Historical Museum d’Amsterdam.

– Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, tous les jours sauf le mardi de 10 à 18 heures, jeudi jusqu'à 22 heures. Jusqu’au 21 août. Tél. 01.53.67.40.00, www.mam.paris.fr

– Musée Masséna, Nice, tous les jours sauf le mardi de 10 à 18 heures. Jusqu’au 24 mai. Tél. 04.93.91.19.10, www.nice.fr