* Prix du Livre Inter pour « Sombre dimanche », Renaudot des lycéens pour « Juste avant l’oubli », Goncourt des lycéens pour « l’Art de perdre », Alice Zeniter poursuit dans « Comme un empire dans un empire » (1) sa réflexion en forme de fiction. Dans ce roman politique, elle se demande à travers ses personnages comment sa génération de trentenaires peut agir aujourd’hui pour changer notre société à bout de souffle et violente.
Antoine, assistant d’un député socialiste dépassé par des aspirations et des revendications qu’il ne reconnaît plus – les Gilets jaunes sont passés par là –, et L., une hackeuse qui se sent surveillée et menacée – son compagnon a été arrêté pour avoir piraté une société de surveillance –, se retrouvent à la Vieille Ferme, où Xavier accueille tous ceux qui souhaitent partager un mode de vie alternatif. Pour ces jeunes hommes et femmes qui ont senti la nécessité de s’engager chacun dans son domaine, la question est de savoir comment, armés seulement de leur bonne volonté à défaut de moyens et de soutiens, ils pourront continuer leur lutte pour une société plus humaine. Les thèmes du roman, qui se situe en 2019, sont passionnants et très documentés ; peut-être trop, au risque de privilégier la didactique au détriment du romanesque.
* L’engagement, comment et pour quels résultats, demande Antoine Rault, l’auteur remarqué de « la Danse des vivants », dans « De grandes ambitions » (2). Un roman choral qui met en scène huit protagonistes et court des années 1980 à nos jours. Les unes sont chirurgienne en vue, actrice reconnue, ministre d’État, chef du Parti National, les autres éminence grise de cette dernière, magnat de l’informatique, professeur et historien et même président de la République. On suit leur irrésistible ascension depuis l’enfance, sachant que tous n'étaient pas destinés dès leur naissance à accéder aux plus hauts niveaux de pouvoir. Mais qu'en est-il de leurs illusions, combien se sont perdus en chemin ou sont restés fidèles à leurs idéaux ? Un portrait de la génération X avec des personnages nourris, confie l’auteur, « des aspects les plus romanesques des vies de ceux qui m’ont servi de modèles ». Pas difficile de les retrouver !
* Ex-publicitaire, Grégoire Delacourt n’a publié qu’à l’âge de 50 ans son premier roman, « l'Écrivain de la famille », récompensé en 2011 par plusieurs prix, de même que « la Liste de mes envies » l’année suivante, adapté au théâtre et au cinéma. Son huitième roman, « Un jour viendra couleur d’orange » (3), est une fresque sociale autour d’une famille dont les membres illustrent les misères et les colères des « gens d’en bas ». Un père vigile à mi-temps dans un supermarché après un licenciement qui laisse exprimer sa rage sur un rond-point, une mère qui se dévoue tout entière à ses patients en fin de vie, leur fils de 13 ans rejeté parce que différent, ou la très jeune Djamila en butte à la convoitise des hommes. Bien que scandé par des titres de chapitre aux noms de couleurs, le tableau est désespérant, adouci cependant par une langue agréablement onirique.
* « Le Grand Vertige » (4) ne ment pas : le roman provoque le tournis tant il mêle les genres, les temps, les personnages, les idées ! Pierre Ducrozet résume son projet : « Après "l’Invention des corps", réflexion autour de nos manières d’habiter nos corps (prix de Flore), la question est ici : comment habitons-nous le monde. Plutôt mal, a priori, et c’est ce qui m’intéressait. » Les désastres écologique et climatique sont au cœur du livre. Sous couvert d’animer une énième et inutile commission instaurée par les instances internationales, un penseur de l'écologie moderne crée un réseau parallèle, constitué de spécialistes mais aussi de quidams divers, qu’il charge secrètement d'ausculter le monde, non pour panser ses blessures mais pour le reconstruire entièrement et autrement. Au cours de leurs périples improbables, ces aventuriers du XXIe siècle subissent dans leur chair comme dans leur cœur le contrecoup des tempêtes qui affectent la planète. Les aspirations intimes cohabitent avec les aspirations plus vastes d’un nouveau rapport au monde.
* Auteure il y a vingt ans de « Superstars », manifeste de la génération techno, la romancière française Ann Scott signe « la Grâce et les Ténèbres » (5), un roman également très actuel, qui a pour thème la cybersurveillance du terrorisme. Marqué par la vidéo d’une décapitation, confronté aux modèles de sa mère, engagée pour le climat, et de ses sœurs, l’une photographe et l’autre reporter de guerre, un jeune musicien qui n’arrive pas à composer cherche un sens à son existence. Il intègre un groupe d’anonymes qui se sont donné pour mission de lutter contre les activités djihadistes sur les réseaux sociaux. On pourrait presque parler de docufiction tant les différents aspects de cette surveillance particulière sont documentés, si l’évolution du jeune homme, bientôt submergé par l’horreur de ce qui circule sur le Net, n’était aussi abordée.
(1) Flammarion, 391 p., 21 € (2) Albin Michel, 589 p., 22,90 € (3) Grasset, 266 p., 19,50 € (4) Actes Sud, 367 p., 20,50 € (5) Calmann-Lévy, 312 p., 19,50 €
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