ARTS - « Bohèmes », au Grand Palais

De la représentation à l’identification

Publié le 15/11/2012
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Crédit photo : D. CHESTERMAN

MYSTÉRIEUX, voyageurs, proches de la nature, prédisant l’avenir, les Bohémiens, appelés à leur arrivée Égyptiens (d’où les mots gipsy et gitan), ont fasciné et inspiré les artistes. Léonard de Vinci en fait une des premières représentations. La Bohémienne sert de modèle aussi bien à la Vierge de la nativité qu’à la diseuse de bonne aventure sensuelle et diabolique (La Tour) avec ses cheveux défaits et sa robe rayée. Le personnage est multiple, les représentations se brouillent. Elle est chassée des villes, Hals et Corot la montrent liée à la terre. Au siècle des Lumières, elle n’est bonne qu’à chanter, danser, voler. La Zingara devient galante chez Watteau et Boucher et exotique au XIXe. La gitane espagnole est pour Regnault « belle comme la plus belle des statues antiques ».

Puis, du modèle, on passe à l’identification. Courbet, l’indépendant, est le premier des peintres bohèmes, ceux qui refusent la voie royale du prix de Rome. Van Gogh érige les chaussures de vagabond au statut de nature morte. La vie d’artiste, entre mansarde et atelier, cabaret et café, est mise en scène dans l’exposition telle que l’évoque « Scènes de la vie de bohème », le feuilleton à succès d’Henry Murger. Au Quartier Latin, à Montmartre (Renoir au Moulin de la galette, Erik Satie au Chat noir, Picasso au Lapin agile), puis à Montparnasse. Après quatre siècles de représentation, écrivains et musiciens s’emparent du bohémien. Rimbaud et Verlaine, pour la littérature, succédant à Cervantès (« La Gitanilla »), Frantz Liszt avec le traité fondateur de musique hongroise et Puccini et Bizet dans leurs opéras.

Le peintre allemand Otto Mueller célèbre au début du XXe siècle avec les bohémiens un état de nature mais la fin du mythe est proche. Salle tzigane à l’exposition « Art dégénéré » et extermination des Roms en Allemagne. Si le fil de ce cheminement entre bohémien et artistes est complexe, il est certain qu’il trouve des échos dans l’histoire contemporaine des migrations.

Grand Palais (tél. 01.44.13.17.17, www.grandpalais.fr), tous les jours sauf le mardi de 10 à 20 heures, le mercredi jusqu’à 22 heures (fermeture à 18 heures les 24 et 31 décembre). Jusqu’au 14 janvier

CA. C.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9190