Idées
De Michel Onfray à Luc Ferry, d’André Comte-Sponville à Bertrand Vergely et Robert Misrahi, la philo-bonheur multiplie ses conseils, ses recettes et imprègne l’air du temps. On peut pour une fois négliger ce qui distingue ces penseurs, tant le déscours est général. « Vous êtes déprimés, un petit coup de stoïcisme, une lichette de Spinoza et hop, ça repart ! »
Que le bonheur (lequel, d’ailleurs ?) préoccupe beaucoup les Terriens peut relever de l’évidence, mais en quoi le but de la philo serait-il d’y parvenir ? La question a déclenché chez Roger-Pol Droit une plume rageuse. Nombreux sont les arguments de l’auteur. Leur qualité s’articule à une étude sérieuse, par exemple des textes anciens. Ainsi montre-t-il que dans l’Antiquité le bonheur n’était pas quelque chose de construit mais dépendait beaucoup du hasard ; de plus, il demeurait à tout jamais inatteignable. Les Grecs avaient compris que la vie est chaotique, dangereuse, risquée. Quoi de plus stupide qu’une série de recettes figées ? Ce qui a été acquis, disent les sages anciens, peut toujours être perdu indéfiniment. Bref, le bonheur des anciens n’était pas le nôtre.
Même si Sextus Empiricus, ou Platon, à travers Socrate, ont pu aller dans le sens dénoncé, le bonheur antique est une activité qui passe par le raisonnement et la démonstration : c’est la vérité qui rend heureux ! On est loin de l’infâme brouet sur le développement personnel et autres grigris d’Extrême-Orient. C’est l’occasion de rappeler que philo-sophia signifie autant amour du savoir, effort pour bien penser, qu’amour de la sagesse.
L’usage de la Raison
Reste la grande question : pourquoi la philosophie s’est-elle mise à faire ses choux gras de la quête du bonheur ? Pas n’importe lequel, d’ailleurs. Un bonheur qui s’articule en fait à une vision du monde assez bobo, au repli individualiste sur la sphère privée. Se sentant impuissants devant le monde (guerres, terrorisme, travail précarisé), « nos contemporains ont préféré se faire couler un bain, boire du thé vert et respirer de l’encens en lisant quelques conseils de philosophie ».
Une philosophie peut-être attaquée de tous côtés, en particulier par les neurosciences, et toute heureuse de se trouver un « objet ». Qu’elle retrouve sa vraie destination, dit Roger-Pol Droit, qui est l’usage de la Raison, et qu’elle oublie les imbéciles heureux.
Roger-Pol Droit, « La philosophie ne fait pas le bonheur ... et c’est tant mieux », Flammarion, 212 p., 19 euros.
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