CE QUI A SÉDUIT Bertrand Tavernier dans la bande dessinée « Quai d’Orsay », c’est, dit-il, « le parfait équilibre entre d’un côté une force comique irrésistible et, de l’autre, une vérité, une grande réalité, dans les personnages, les situations et les dialogues ». On peut en dire autant de son film, au scénario duquel ont collaboré les auteurs de la BD, Antonin Baudry* et Christophe Blain. Baudry s’est souvenu de son passage au ministère des Affaires étrangères auprès de Dominique de Villepin et de la préparation du célèbre discours prononcé aux Nations unies en 2003 au moment de la guerre d’Irak.
Le risque premier était la caricature et le deuxième la tentation du réalisme. Tavernier a évité les deux, si bien qu’au bout de quelques minutes, on ne se demande plus si les personnages ressemblent ou non à leur modèle. Pour savourer pleinement le petit théâtre des diplomates qui jonglent avec les malheurs du monde, en fait des travailleurs acharnés qui tentent de sauver ce qui peut l’être. Si les travers du ministre et de ses conseillers, leurs petites manœuvres intestines font rire, il est passionnant de suivre le travail accompli dans un chaos permanent. Pas le temps de souffler, à peine celui de manger, pour les occupants du quai d’Orsay, et pas plus pour le spectateur, qui s’envolera en leur compagnie à Berlin, en Afrique, à New York.
Le Candide de l’histoire est parfaitement incarné par Raphaël Personnaz, qui, dans le précédent film de Tavernier, « la Princesse de Montpensier », était le duc d’Anjou. Il fait le poids face à un Thierry Lhermitte déchaîné et très drôle dans le rôle du ministre. Dans une distribution très convaincante, on citera aussi Niels Arestrup en chef de cabinet aussi doué pour désarmer les caprices de son chef que pour résoudre une crise internationale, et Bruno Raffaeli, de la Comédie-Française, en conseiller superprofessionnel obsédé par la nourriture.
* Pour la BD, publiée chez Dargaud (2 tomes), Baudry a choisi le pseudonyme d’Abel Lanzac.
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