Jean Rouaud range son œuvre, riche de plus d’une vingtaine d’ouvrages, dans des ensembles. C’est ainsi que « les Champs d’honneur », prix Goncourt en 1990, a inauguré la suite romanesque « le Livre des morts », qui comprend cinq titres. « Être un écrivain » (1) est le quatrième opus de « La vie poétique » (« Comment gagner sa vie honnêtement », « Une façon de changer », « Un peu la guerre »), une série qui divague entre parcours autobiographique et réflexions sur la société dans un savoureux mélange de faits réels, de souvenirs vécus et d’émotions, littéraires et autres. L’écriture est donc au cœur de ce quatrième volet, placé sous l’égide de Proust et qui rappelle en ouverture que « le préalable à l’écriture, ce n’est pas l’impérieuse nécessité de raconter… c’est le désir de devenir écrivain ». Suivent évidemment les questions de « quoi écrire » et « comment écrire », mais, loin d’être nombriliste, le livre est une promenade dans le temps et les idées – confrontées à la vie réelle.
Dans un essai qui paraît en même temps, « Misère du roman » (2), Jean Rouaud analyse les écoles, les idéologies et les séquences historiques qui ont conduit, temporairement, à annoncer la mort du roman, voire de l’auteur.
Julian Barnes (« le Perroquet de Flaubert », « Love, etc. ») est un fou de littérature – « J’ai vécu dans les livres, pour les livres, pour les livres, par et avec les livres » –, qui en parle avec autant d’érudition que d’humour. Dans « Par la fenêtre » (3) il offre un florilège de 18 chroniques et une nouvelle parues dans des journaux et magazines anglais et américains entre 1996 et 2012, qui sont avant tout un hommage au roman. Pour lui, « la meilleure fiction fournit rarement des réponses ; mais elle formule exceptionnellement bien les questions ». Il nous entraîne donc à la rencontre de romanciers qui l’ont particulièrement touché, dont près de la moitié sont français, ou francophiles comme lui. Mérimée, Flaubert, Chamfort, Fénéon ou Michel Houellebecq, mais aussi Kipling, Ford Madox Ford ou Edith Wharton. Autant de rencontres pleines de surprises et d’anecdotes.
Sylvie Gracia est éditrice et l’auteure de six romans. Dans « Mes clandestines » (4) elle se raconte, non pas sous la forme d’une autobiographie, mais en évoquant d’autres femmes qui ont jalonné sa vie et qui sont autant de troubles miroirs où elle essaie de s’entrevoir. Au fil des pages apparaissent ainsi une mère, une fille, une amie, une rivale, une grand-mère, la photographe Camille Moravia, l’écrivaine Annie Ernaux…, femmes multiples de tous les âges, dont elle ne brosse pas simplement les portraits, mais qui sont chacune une bribe d’histoire. Le regard acéré de l’auteure dévoile les corps et dissèque les cœurs à tel point qu’on ne sait plus si elle cherche à se trouver ou au contraire à se dissimuler en se fondant dans ses semblables.
Lettres ou Journal
Elle commence ses lettres par « Mon amour, », il l’appelle « Ma fée ». Elle vient de rentrer de la maternité avec leur petite fille, mais lui, pianiste de jazz, est déjà parti pour une longue tournée jusqu’aux États-Unis. Ils s’écrivent mais alors qu’il est pris dans le tourbillon des concerts qui s’enchaînent, la maman reste calfeutrée dans son baby blues. Très vite, l’expression de leur passion s’efface devant le récit de deux mondes parallèles, avant qu’ils ne taisent l’essentiel lorsqu’un ami peintre s’immisce dans la solitude de la jeune femme et qu’une attachée de presse complaisante termine les soirées avec l’artiste. Comme son premier roman, « Chambre 2 », qui a été primé, « Mon amour, » (5), de Julie Bonnie, est marqué par ses expériences de chanteuse et de maternité et témoigne d’une extrême sensibilité.
Dans un registre plus léger, en tout cas sentimental, Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat, deux grands noms de la littérature jeunesse, se sont également essayés au roman épistolaire, pour adultes. « Et je danse, aussi » (6) est une sorte de joute littéraire. Les deux écrivains construisent une histoire mettant en scène un prix Goncourt sexagénaire en panne d’écriture et une lectrice plus jeune, « grande, brune et grosse ». Elle lui envoie par la poste une grosse enveloppe et l’accompagne d’un mail. Il lui répond pour refuser d’ouvrir ce qu’il pense être un manuscrit. C’est le début d’une correspondance électronique assidue, un jeu qui mène l’autre à se dévoiler et à revenir sur son passé, jusqu’à exhumer de lourds secrets et le lien improbable qui les unit. Sur le fil de la réalité et de la fiction.
C’est sous la forme d’un journal que Fanny Mentré – dramaturge, metteur en scène et comédienne – a choisi d’écrire son premier roman. « Journal d’une inconnue » (7) est la très agréable et lucide mise en pages du très dérisoire et tristounet quotidien d’une femme type « ménagère de moins de cinquante ans », qui a tout pour être heureuse et qui déprime en silence. Le couple, la famille, le boulot et les autres, tout lui semble faux. La première notation du fameux journal est significative : « Si je n’interprète pas ma vie, est-ce que je vis vraiment ? Est-ce que je ne prends pas le risque que d’autres l’écrivent à ma place ? » Fanny Mentré a bien fait de se lancer, sans prétention mais avec acuité.
(2) Grasset, 108 p., 13 euros.
(3) Mercure de France, 315 p., 24,50 euros.
(4) Jacqueline Chambon, 271 p., 22 euros.
(5) Fleuve, 280 p., 18,90 euros.
(6) Grasset, 220 p., 17,50 euros.
(7) JC Lattès, 311 p., 18,50 euros.
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