ARTS - À Paris, à la Maison rouge

Artistes sous influence psychotrope

Publié le 21/02/2013
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Crédit photo : DR

C’EST EN CONNAISSEUR qu’Antoine Perpère est commissaire de l’exposition « Sous influences, arts plastiques et psychotropes ». Cadre infirmier au centre Marmottan puis chef de service éducatif en addictologie au centre de soins de l’association Charonne, à Paris, il est, depuis 1980, artiste plasticien. Il introduit le sujet avec un des fondateurs de la neurologie, Jean-Martin Charcot, qui dessine sous haschich.

Le désir de capter l’expérience vécue est présent même avec les substances les plus licites. Les médicaments (Jeanne Suspluga), le tabac (Irving Penn), l’alcool évoqué par une sculpture anamorphique de Markus Raetz, l’éther (Jean-Louis Bra). La consommation du haschich et de l’opium se développe début du XIXe. Hans Bellmer réalise neuf planches pour illustrer « les Paradis artificiels » de Baudelaire. Alberto Martini démultiplie le regard qui se perd dans un paysage et Picabia superpose les visages pour ses « Têtes transparentes ». La drogue est le seul remède à l’angoisse pour Antonin Artaud, un moyen pour Henri Michaux, pendant dix ans, d’explorer « l’espace du dedans ». Arnulf Rainer dessine dans un « automatisme psychique » avant de participer, à l’Institut Max Planck, à Munich, à des expérimentations sur la reproduction d’états psychotiques par l’usage de drogues. Jean Cocteau, grand opiomane malgré ses 3 cures de désintoxication, insère dans ses portraits les formes tubulaires de la pipe du fumeur d’opium.

De l’individu, on passe aux conséquences humaines et sociales. Au monde de violence des vendeurs et trafiquants (Gianfranco Rosi, Hervé di Rosa), au quotidien du toxicomane (Jean-Michel Basquiat, mort à 27 ans d’une overdose d’héroïne), à sa solitude (Larry Clark, Luc Delahaye), à l’irrémédiable dépendance (« Lignes de destinée » de The Plug et Stéphanie Rollin), à la soumission chimique des victimes (la vidéo « Résistance au Rohypnol » de Fiorenza Menini). On touche les limites de la création lorsque Francis Alÿs, invité à produire une œuvre pour une exposition, déambule sous l’effet de substances psychotropes différentes dans une ville différente chaque jour pendant une semaine.

Les plus grands rêves n’ont pas eu raison des drogues. Ni le mouvement psychédélique des années 1960, supposé « repousser les barrières psychiques (…) pour parcourir les possibilités du cerveau » (collection d’affiches de Frédéric Jaïs Elalouf). Ni la contemplation et la recherche de spirituel que l’on retrouve dans « les paradis » artificiels (Robert Malaval avec « Lucy in the Sky with Diamonds », référence à la chanson des Beatles). Ni la bibliothèque de 25 000 livres consacrée à la marginalité et conservée à Harvard University (installation de Frédéric Post).

La Maison Rouge, Fondation Antoine de Galbert (10, bd de la Bastille, tél. 01.40.01.08.81, www.la maison rouge.org), du mercredi au dimanche de 11 à 19 heures, le jeudi jusqu’à 21 heures. Jusqu’au 19 mai.

CAROLINE CHAINE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9220