Fondateur de la Société française de télémédecine, le Dr Pierre Simon a répondu aux interrogations des lecteurs du « Quotidien » pendant plus d’une heure au cours d’un Live chat consacré à la télémédecine.
Pour le médecin, la téléconsultation n’est pas une médecine au rabais, même en l’absence d’un examen clinique du malade. « Les données scientifiques depuis 30 ans précisent qu'un diagnostic peut être posé à 70 % des cas sur l'échange avec le patient », justifie le Dr Simon qui ajoute que c’est au praticien d’évaluer la pertinence de cette pratique en fonction de la situation. « Lorsque le médecin juge qu'il y a besoin d'un examen clinique en présentiel, il ne doit pas faire de téléconsultation », précise-t-il. Par exemple, « l’arrêt de travail sans examen physique comporte un risque », explique le néphrologue.
Il plaide pour une meilleure formation de ses confrères afin de mieux maîtriser cette pratique appelée à s’installer durablement dans l’exercice quotidien. C’est notamment à cette condition, dit-il, que les médecins pourront s’approprier la télémédecine et ne pas se la faire imposer.
Le Live chat va bientôt commencer. Nous accueillons aujourd’hui le Dr Pierre Simon, fondateur de la Société française de télémédecine. Comment tirer partie de la télémédecine ? Quelles sont les limites de la téléconsultation ?… Le Dr Pierre Simon répondra à vos questions sur le sujet pendant une heure.
Une téléconsultation peut être réalisée par un médecin non traitant du téléconsultant.
L'idéal est que le téléconsultant ait un DMP pour qu'il y ait traçabilité de la téléconsultation.
Le premier risque est celui de ne pas connaître le dossier du patient, le médecin traitant ayant le dossier du patient. Le risque est atténué lorsque le compte-rendu de la téléconsultation est versé dans un DMP que pourra consulter le médecin traitant.
Mon Espace Santé (MES), qui sera mis en place le 1er janvier 2022, comportera un DMP à la disposition de tous les titulaires de MES.
La médecine américaine est une médecine commerciale, la médecine française ne peut pas l'être puisque l'article 19 du Code de déontologie l'interdit.
Ces cabines sont installées par des fournisseurs de solution de télémédecine, les médecins sont invités à travailler avec ces fournisseurs. C'est de leur responsabilité de ne pas avoir de liens commerciaux avec le fournisseur. C'est-à-dire une pratique qui intégrerait un business model du fournisseur.
A compter du 1er janvier 2022, tout citoyen qui aura ouvert Mon Espace Santé disposera d'un DMP. Il peut demander au médecin téléconsultant de verser le compte-rendu dans son DMP.
L'arrêt de travail sans examen physique comporte un risque. Il relève du médecin traitant de juger de la pertinence de réaliser ou non un examen physique.
Les Ordres professionnels ont demandé aux pouvoirs publics et à l'Assurance-maladie cette limitation, au motif qu'un exercice exclusif de la téléconsultation mettrait en péril la compétence et l'expérience clinique du médecin.
La télémédecine n’est-elle pas le « début de la fin » de la Médecine, ou plus exactement du corps médical ?
Elle occulte forcément l’examen physique du malade or, en dehors de ce dernier, une consultation peut être entièrement menée par une bonne IA : interrogatoire, prescription des examens paracliniques, interprétaton de ces derniers et prescription de traitements. Et exit le bon vieux Médecin…
Le décret sur la télésanté (télémédecine et télésoins) du 3 juin 2021 précise que la pertinence d'un acte à distance, en particulier de la téléconsultation, relève de la responsabilité pleine et entière du médecin. En traduction pratique : le risque d'une téléconsultation est de la réaliser sans analyse de la pertinence de la demande.
Lorsque le médecin juge qu'il y a besoin d'un examen clinique en présentiel, il ne doit pas faire de téléconsultation.
La téléconsultation est intéressant lorsqu'elle est alternée à des consultations présentielles, en particulier chez les patients atteints de maladies chroniques. Chaque consultation présentielle ne nécessite pas toujours un examen clinique chez un patient atteint d'une maladie chronique. Par exemple, le renouvellement d'une ordonnance chez ces patients chroniques peut se faire par téléconsultation.
On est dans une période de transition de l'exercice médical. L'intelligence artificielle sera une aide au diagnostic et au traitement, mais ne se substituera pas à l'intelligence humaine.
Le Parlement français a pris conscience de ce risque en inscrivant dans la révision de la loi bioéthique la nécessité d'une garantie humaine à toute médecine reposant sur un algorithme.
Il faut garder espoir dans une nouvelle médecine clinique du XXIe siècle, qui, de toute façon, devra rester humaine.
En dehors de la période d'urgence sanitaire, il ne faut pas utiliser WhatsApp ou Skype car la protection des données de santé n'est pas assurée.
L'Europe a une règle propre sur les données de santé, qu'on appelle le RGPD (Règlement général de protection des données). Un exemple pratique : WhatsApp vient d'avoir une amende de 250 millions d'euros à verser à l'Europe car l'application ne respectait pas le RGPD.
Merci pour votre réponse.
Cette déclaration dans le contrat de RCP est une obligation réglementaire.
Pensez-vous les médecins généralistes actuellement sensibilisés sur ce sujet ?
À votre avis, quel est le point le plus épineux concernant la sécurité des données en téléconsultation ?
A compter du 1er janvier 2022, l'offre numérique pour les professionnels de santé sera garantie par l'Etat (fonctions régaliennes) qui offrira aux professionnels de santé et aux usagers de la santé une plateforme qui assurera la protection des données de santé.
Mon Espace Santé comporte, outre le DMP et une messagerie sécurisée en santé, un magasin (store) où seront rassemblées toutes les applications numériques utiles pour suivre un patient à distance. Ces applications ont une sécurité garantie par l'Etat.
Aujourd'hui, à l'initiative de la DNS et de l'ANS, tous les logiciels métier des professionnels de santé vont avoir une sécurité renforcée et surtout une interopérabilité assurée entre tous les logiciels de santé. Le point épineux, jusqu'à présent, était la non-interopérabilité des logiciels entre eux.
Les médecins généralistes doivent savoir que l'Agence du numérique en santé, avec la CNIL, les accompagne (financièrement) pour que leurs logiciels métier soient sécurisés et le plus agiles possible dans la pratique professionnelle.
Les plateformes de prise de rendez-vous, en particulier lorsqu'elles ont un marché dominant, doivent faire très attention à leurs propres données de santé, qui doivent respecter le RGPD. En particulier, elles ne doivent pas utiliser l'agenda de leur clientèle à des fins commerciales.
Le patient chronique doit être acteur de sa propre télésurveillance, en collaboration avec un professionnel de santé, médecin ou non médecin. Les outils qui sont proposés dans Mon Espace Santé prennent en compte cette nécessité d'assurer à la fois la qualité de la télésurveillance, et la sécurité des données de santé qui la structurent.
Comme pour toute pratique de télémédecine (téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance), le patient doit être informé des bénéfices et des risques, et ensuite donner son consentement à la pratique de soins à distance. C'est notamment le cas pour la télésurveillance.
Il y a plusieurs formes de télésurveillance. Certaines infirmieres, en particulier les IPA (infirmier en pratique avancée) vont être de plus en plus impliquées dans la télésurveillance des maladies chroniques. Il y a dans la formation des IPA une spécialité consacrée aux maladies chroniques, aux maladies oncologiques, aux maladies mentales et aux maladies rénales chroniques.
Certains médecins généralistes avaient anticipé cette évolution il y a plus de 10 ans, en confiant à des infirmiers et infirmières, appelés Asalées, la surveillance des patients atteints de maladies chroniques stabilisées. Ils étaient précurseurs. Cette expérience va se développer de plus en plus.
La France n'est pas le seul pays à avoir pris cette initiative (la Suisse, la Suède, le Danemark, etc.).
Pour les exemples donnés, il est difficile de répondre de façon absolue. Par exemple, pour la prescription d'une pilule, elle peut relever d'une téléconsultation si la personne est connue du médecin. On peut faire la même réponse pour les autres situations comme la dysérection ou la PreP.
Il y a une marge de développement de la téléconsultation dans les prochaines années, puisqu'aujourd'hui près de 50% des téléconsultations sont faites par téléphone. Ce qui ne sera pas reconduit après la période d'urgence sanitaire.
La bonne téléconsultation à partir de 2022 sera sa réalisation avec les outils de Mon Espace Santé. Outils sécurisés par l'Etat.
Aujourd'hui, le dossier pharmaceutique permet d'éviter la multiplication de délivrances de médicaments par une ordonnance utilisée dans plusieurs pharmacies.
Pourquoi il ne faut pas accepter une photo de lésion cutanée envoyée directement par un patient ? Il est nécessaire, et rappelé par la loi, que l'avis d'expert doit être donné à un professionnel de santé médical, lorsque l'on est pas dans la situation des 5 spécialités qui sont en dehors du parcours de soin.
Les 5 spécialités en dehors du parcours de soin, qui permettent un accès direct du patient au médecin, sont : l'ophtalmologie, la gynécologie, la pédiatrie, la psychiatrie et l'odontologie.
Si on se compare au pharmacien, le médecin qui développe une téléconsultation reçoit dans son forfait structure un financement pour payer un abonnement à une plateforme de téléconsultation (350 euros par an). Il reçoit en plus 150 euros par an pour s'équiper en objets connectés (stéthoscope connecté, otoscope connecté, etc.).
Une téléconsultation ne s'improvise pas. Si on souhaite que le patient soit satisfait de la prestation médicale, il faut respecter des conditions de réalisation qui se rapprochent de ce qu'on appelle la visioprésence. C'est expliqué dans le DPC consacré à la télémédecine.
Merci de cet échange !
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