Au pas de charge : ils avaient commencé mercredi à l'heure du petit déjeuner et ont fini au beau milieu de la nuit suivante. Les députés de la commission des affaires sociales ont passé toute leur journée de mercredi – jusqu'à deux heures du matin – à bûcher sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 et ses 1 071 amendements, pour n'en conserver finalement que 30.
Les députés souhaitent d'abord mettre leur grain de sel sur la reprise de la dette des hôpitaux publics, une mesure issue du Ségur de la santé et inscrite dans ce budget, en réclamant un rapport annuel sur l'évolution du dispositif. Pour le reste, ce sont essentiellement des amendements du rapporteur général LREM du PLFSS, l'urgentiste Thomas Mesnier, qui ont été retenus.
Urgences, biosimilaires…
À l'hôpital, les députés ont voté un amendement qui prévoit que toutes les exonérations au forfait patient dans les services d'urgences entreront en vigueur en même temps que le dit forfait, c'est-à-dire au 1er janvier prochain.
Plusieurs amendements concernent le champ du médicament. L'un d'eux prévoit de plafonner le prix d'achat des spécialités pharmaceutiques qui ont bénéficié d'une autorisation d'accès précoce, ainsi que de celles dont l'accès direct a pris fin afin de « garantir une continuité de traitement effective ».
Un amendement de la majorité prévoit que, lors de la délivrance de biosimilaires, le pharmacien informe à la fois le prescripteur et le patient de cette substitution. Pour ces mêmes médicaments, les députés ont souhaité que le praticien justifie « par des raisons précises tenant à la situation médicale du patient » l'inscription d'une mention « non substituable » sur l'ordonnance.
Des mesures pour l'accès aux orthophonistes et aux kinés
Comme il l'avait annoncé, le rapporteur général a défendu plusieurs amendements, adoptés par la commission, au sujet du controversé article 40 sur la prescription de lunettes ou de lentilles par les orthoptistes. Son texte de compromis précise que « l'orthoptiste ne peut adapter ou renouveler cette primo-prescription que si le patient a consulté, dans un délai qui sera précisé par décret, un médecin ophtalmologiste ».
Deux autres amendements présentés par la députée LREM Stéphanie Rist (et d'autres députés de la majorité) visent à expérimenter l'accès direct des patients aux soins pratiqués par les orthophonistes d'une part et les kinés d'autre part « lorsque ces derniers exercent dans une structure de soins coordonnés ».
La députée rhumatologue a aussi fait voter un amendement permettant, à titre expérimental, aux médecins généralistes d'accéder à titre gratuit au « guide de bon usage des examens d'imagerie médicale » au sein de leurs espaces numériques. Le but est de réduire le nombre d'examens d'imagerie inutiles.
Haro sur les dérives de certains centres de santé
Les députés se sont intéressés aux centres de santé, notamment dentaires, aux pratiques douteuses sur le plan médical et déontologique (surtraitements, pratiques défectueuses, etc.). Ils ont renforcé le pouvoir de sanction des caisses primaires en facilitant la possibilité de déconventionnement de ces centres, ainsi que celui des agences régionales de santé (ARS) en créant une amende administrative d'un montant maximal de 150 000 euros assortie d'une astreinte de 1 000 euros par jour.
Dans le domaine de la santé sexuelle, plusieurs députés ont demandé que les sages-femmes puissent recevoir directement une personne dans le cadre d'une demande de stérilisation. Ils souhaitent aussi un rapport au Parlement sur les moyens à mettre œuvre pour développer la contraception masculine.
Patience sur la e-prescription
Auditionnés ce jeudi matin au Sénat, les ministres concernés ont salué les avancées de l'examen parlementaire. Ainsi, le compromis trouvé sur l'accès aux orthoptistes semble satisfaire le gouvernement, une mesure jugée « utile » et « safe » par le ministre de la Santé. « Chacun reste dans son rôle avec ses spécificités, a jugé Olivier Véran face au Sénat. Il n'y a aucune velléité de nier les compétences des ophtalmologistes, ni de négliger les risques de décollement de la rétine chez les grands myopes. C'est pour cela que la mesure ne concernera que les personnes jeunes et en bonne santé. »
S'agissant des centres dentaires, il a approuvé le dispositif de sanction imaginé par les députés, qualifiant certains centres en activité de « calamités ».
Répondant par ailleurs aux questions des sénateurs, il a indiqué qu'il n'y aurait pas d'amendement du gouvernement sur l'allongement de l'IVG à 14 semaines, même si lui-même y est favorable sur le principe, car ce type de mesure n'a pas sa place dans un texte budgétaire.
Il a enfin invité les parlementaires à la patience sur le sujet de la e-prescription. « C'est un sujet techniquement lourd et on veut éviter un plantage », a-t-il fait valoir.
Grande Sécu
Pour sa part, le ministre du Budget, Olivier Dussopt, a répondu aux inquiétudes des sénateurs sur l'aggravation de la dette de la Sécu en disant attendre « avec beaucoup d'impatience et d'intérêt » le rapport commandé par le gouvernement au Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance-maladie (HCAAM). « Des propositions sont attendues sur la régulation des dépenses, le renforcement de la pertinence des soins ou encore la révision des modes de rémunération », a souligné le locataire de Bercy, se gardant toutefois de commenter la piste explosive de « grande Sécu » englobant l'Assurance-maladie obligatoire et complémentaire.
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