Voulu par Emmanuel Macron, le Conseil national de la refondation en santé fait son chemin dans un climat tourmenté à l'hôpital comme en médecine de ville, sur fond de malaise général des soignants.
Plus de 250 réunions se sont tenues dans les territoires et au moins « une centaine de projets » sont nés des concertations du CNR santé, avance le ministère. Cette méthode de gouvernance partagée, moins verticale et qui fait appel à tous les acteurs concernés – hôpitaux, soins de ville, Ordres, patients, tutelles… –, a vocation à « être pérennisée » et à se « décliner dans l’ensemble des départements, voire à des bassins de vie », sous la forme de CNR territoriaux. Le ministère veut en finir avec l'« hypercentralisation et l'uniformité parfois excessive » des politiques publiques.
Au moins un CNR par département, donc et l’État promet pour sa part de jouer le rôle de facilitateur. Tel est le sens, par exemple, du nouveau « droit à dérogation » reconnu aux ARS pour adapter les politiques de santé. Il ouvre la possibilité à un directeur d’ARS de sortir du cadre réglementaire lorsqu’il s’agit de répondre à des besoins de santé prioritaires d’un territoire. Par ailleurs, 30 millions d’euros ont été ajoutés dès cette année – et pérennes – au Fonds d’intervention régional (Fir) pour permettre aux agences d’accompagner les projets innovants nés du CNR. Une « boîte à outils » sera proposée pour diffuser les initiatives prometteuses.
Moins de paperasse
Avec la volonté réaffirmée de libérer du temps médical, le ministre de la Santé a rappelé que les certificats inutiles – comme ceux permettant aux enfants de retourner à la crèche ou de pratiquer certains sports – seront supprimés, tandis que les certificats de décès pourraient être réalisés par des infirmiers (une expérimentation est lancée à l'été). Au-delà, c'est un objectif de « zéro papier » dans les relations médecins/Sécu qui a été martelé.
Côté soins non programmés, cette première phase du CNR santé a confirmé la nécessité de généraliser les services d’accès aux soins (SAS) dans tous les départements d’ici à la fin de l’année. Pour embarquer un maximum de praticiens libéraux, aujourd'hui réticents, le règlement arbitral a pérennisé les rémunérations plus attractives pour les médecins régulateurs (100 euros/heure) et pour les effecteurs (majoration de consultation de 15 euros en cas de prise en charge d'un patient hors patientèle dans les 48 heures). Une vingtaine de départements ont un SAS opérationnel (lire aussi page 16). Un Tour de France doit permettre de repérer les initiatives qui fonctionnent. Parallèlement, une campagne de recrutement d'assistants de régulation médicale (ARM) est lancée ce mois de mai.
Sur les urgences hospitalières, François Braun promet un « cadre réglementaire rénové d'autorisation » bientôt opérationnel, l'objectif étant d'éviter à tout prix les « fermetures sèches » de services, sans solution alternative.
Smur obstétricaux
En matière de permanence des soins, le ministre promet un nouveau « contrat clair » dans les territoires, à la faveur d'un partage plus équitable des efforts entre acteurs publics et privés. « La permanence des soins ne peut et ne doit plus être assumée par un nombre insuffisant de médecins, imposant un rythme de garde incompatible avec un exercice professionnel pérenne », a martelé François Braun, lors de ce bilan d'étape du CNR. Une mission Igas rendra ses conclusions au ministre qui fixera le nouveau cadre d’action « avant l’été ». Parallèlement, l'exécutif promet une nouvelle fois de mieux rémunérer la sujétion et la pénibilité du travail de nuit dans les établissements de santé.
S'agissant des maternités, François Braun annonce une mission avec des élus et des professionnels pour étudier les pistes d'évolution autour de « la santé des femmes et des nouveau-nés » afin d'identifier les organisations innovantes. Des idées sont avancées : Smur obstétricaux, nouveaux modèles de centres de périnatalité, organisation de réseaux de maternités territoriaux.
Et sur le front de l’intérim médical à l'hôpital, le gouvernement a réaffirmé sa volonté, non seulement d'appliquer les plafonds tarifaires de la loi Rist, mais aussi d'interdire aux médecins et aux paramédicaux de démarrer leur exercice en intérim.
Cap sur la phase 2
Le ministre assure avoir entendu les demandes fortes issues des CNR territoriaux. C'est le cas du recours aux « médiateurs en santé », profession méconnue qui fait le lien entre les médecins et les 20 % de concitoyens éloignés « durablement » du système de santé.
Autre avancée : l'accès à un « guichet unique » pour s’installer ou monter un projet a été plébiscité par les soignants dans les CNR locaux. Aussi, le gouvernement lancera en mai une mission avec des élus pour identifier les conditions de succès du déploiement des guichets uniques partout en France. Et de citer Présence médicale 64 dans les Pyrénées-Atlantiques qui vise un accompagnement personnalisé des internes et des généralistes dans leurs projets. Autre exemple prometteur : le projet Eva Corse, programme de réadaptation cardiaque de proximité.
Mais c'est en réalité une dynamique au long cours que défend le ministre de la Santé. « La première phase territoriale du CNR Santé a permis de définir notre méthode et de mettre à l’agenda des sujets fondamentaux, la deuxième doit permettre de pérenniser et d’approfondir ces dynamiques ». Les médecins seront-ils convaincus ?
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