Les images brutales enregistrées par les circuits de vidéosurveillance, montrant des dizaines d'agents pénitentiaires frappant violemment des détenus, ont choqué toute l’Italie. Les faits, impliquant indirectement deux médecins, se sont déroulés durant le premier confinement.
Passage à tabac
Le 5 avril 2020, pour protester contre le manque d'équipements de protection (masques et tests de dépistage) et la non-application des mesures élémentaires de distanciation, 150 détenus occupent un quartier de la prison Santa Maria Capua Vetere, à Naples. Le lendemain, les gardiens de prison et des membres des forces spéciales appelés en renfort pour organiser une expédition punitive, se lancent dans une véritable chasse à l’homme. La répression est brutale et dure toute la nuit.
Au prétexte d’une perquisition, les agents équipés de casques pour éviter d’être reconnus, armés de boucliers et de matraques, prélèvent les détenus un par un de leurs cellules, avant passage à tabac. Des coups pleuvent sur le ventre, les parties intimes et le visage des prisonniers, des tympans sont perforés, des nez et des côtes cassés. « Les agents étaient comme des démons. Ils ont uriné sur certains détenus pour les humilier. Un détenu a été quasiment violé avec une matraque ; ils nous ont massacrés », se souvient Vincenzo Cacace, un ex-détenu à moitié paralysé, libéré il y a quelques mois.
Déclarations fallacieuses
Un an après, le parquet de Naples a inculpé 107 personnes dont deux médecins de l’agence régionale de Santé, le Dr Raffaele Stellato et son confrère le Dr Pasquale Iannotta. Dans leurs procès-verbaux censés décrire le déroulé des faits, les deux praticiens ont prétendu que les traumatismes des détenus — qu’ils n’ont pas examinés pour la plupart — ont été provoqués uniquement par « la réaction du personnel pénitentiaire qui tentait de mater la révolte ».
De plus, ils ont affirmé que les agents de sécurité avaient été gravement blessés aux bras, aux mains et aux doigts ainsi qu'aux jambes, parties du corps utilisées pour passer les détenus à tabac. Pour le parquet, ces déclarations fallacieuses des deux praticiens devaient servir à renforcer la thèse des gardiens de prison selon laquelle les prisonniers avaient attaqué les surveillants qui tentaient de contenir la révolte.
Jugés au pénal
Des mensonges, ont rétorqué les enquêteurs sur la foi des images enregistrées par le système de vidéosurveillance « démontrant que les détenus n’ont pas bougé et que l’expédition punitive a été, au contraire, orchestrée par les forces pénitentiaires ».
Contrairement à une partie des agents et du personnel de l’administration accusés de torture, les deux médecins n’ont pas été placés aux arrêts domiciliaires, mesure pourtant réclamée par le parquet. En revanche, ils seront jugés au pénal pour faux en écriture publique, délit d’entrave ou encore dissimulation.
Pour l’heure, l’Ordre italien n’a pas réagi. « Nous n’avons pas vocation à enquêter et nous devons attendre le verdict avant d’agir, explique le Dr Filippo Anelli, président de la Fédération nationale des Ordres des médecins et chirurgiens-dentistes (Fnomceo). Il est certain qu’en cas de condamnation, et selon l’ampleur de la peine, nous adopterons des sanctions comme la suspension provisoire, voire la radiation. »
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