Après six ans de procédure, un nouveau combat s’engage pour Laura Nataf. Alors qu’en juillet 2021, l’Assurance-maladie avait été condamnée à verser 652 486 euros à la jeune femme pour « refus illégitime de prise en charge des soins », la cour d’appel de Paris examinait à nouveau l’affaire ce jeudi.
En août 2021, un mois après la décision du tribunal judiciaire de Paris, la Sécu avait fait appel de sa condamnation. Elle était mise en cause par Laura Nataf, après avoir refusé de rembourser sa double greffe des mains, réalisée en 2016 aux États-Unis.
Il y a un an « les juges avaient déjà donné raison à Laura, nous avions alors franchi une première marche. Désormais, nous attendons que la cour d’appel confirme le jugement », indique au « Quotidien » Maître Valérie Sellam Benisty. Lors de cette nouvelle audience, l’avocate de la plaignante réclamera également la prise en charge des frais pharmaceutiques et des séjours hospitaliers de Laura Nataf, écartés lors du premier jugement.
Amputée des quatre membres
En 2007, Laura Nataf, en stage à Barcelone, est victime d’un choc septique. La jeune femme alors âgée de 19 ans est placée en coma artificiel et rapatriée à l’hôpital Cochin à Paris. Elle se réveille amputée des quatre membres : des avants bras et des jambes au niveau du genou. Laura reprend ses études avec des prothèses et, en septembre 2011, se rapproche de deux pontes – le Pr Laurent Lantieri, chirurgien plasticien à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP, AP-HP) et spécialiste de la greffe, et le Pr Jean-Michel Dubernard, chirurgien lyonnais à l'origine de la première greffe de main – aujourd’hui décédé.
Un an plus tard, l'agence régionale de santé (ARS) donne son accord pour financer « des greffes composites de tissus vascularisés » au sein de l'HEGP, et Laura Nataf est inscrite sur la liste nationale d’attente en 2013. Durant trois ans, elle attendra qu'on l'appelle pour l'intervention, sans succès. Faute de donneur compatible, l'opération ne peut finalement pas être pratiquée, l’hôpital se désengage de l’intervention.
Le Pr Lantieri se tourne alors vers le Pr Scott Levin, chirurgien au prestigieux hôpital Penn Medicine à Philadelphie, à qui il suggère de faire l'opération de Laura, ce qu'il accepte. Mais l’Assurance-maladie refuse de financer l’opération et propose en retour une prise en charge dans le cadre d'un programme expérimental français, aux Hospices civils de Lyon (HCL). La jeune femme, radiée de la liste nationale d’attente de greffe, décide malgré tout d'aller outre-Atlantique pour tenter l'opération. Grâce à une donneuse américaine, celle-ci est réalisée avec succès en août 2016.
Pas d'alternative
À son retour en France, la jeune femme reçoit une facture salée de l’hôpital américain : près de 700 000 euros, que la CPAM de Paris refuse de payer. Commence alors une longue bataille judiciaire qui aboutit à l’été 2021 à la condamnation de l’Assurance-maladie. Mais la caisse ne paye pas et fait appel. Pour sa défense, la Cnam fait valoir qu’elle a proposé à l’époque un programme expérimental d’allogreffe bilatérale des mains et de l’avant-bras aux HCL à Laura Nataf. Proposition qu’elle aurait refusée.
Mais selon Maître Sellam Benisty, « la France était dans l’incapacité totale de proposer la même solution appropriée qu’aux États-Unis à la date de l’opération ». À cet égard, elle devait présenter ce jeudi au juge le témoignage écrit du Pr Lantieri « attestant qu’il n’y avait pas en France de plan actif de doubles greffes des mains » à cette époque.
Aussi, l’avocate pointe les fautes de la caisse primaire, à ses yeux : « Le refus n’a été assorti d’aucun avis médical circonstancié », note-t-elle par exemple. Si la France a été pionnière en matière de greffe de main à la fin des années 90, « il n’y a pratiquement pas de donneurs de tissus vascularisés, et en sept ans, il n’y a eu que sept patients opérés », rappelle Maître Sellam Benisty.
« Fiasco pour la France »
Désormais âgée de 35 ans, Laura Nataf « est pleine d’espoir, c’est le combat de sa vie », fait savoir son avocate qui évoque une « affaire peu commune ». Valérie Sellam Benisty espère même que l’arrêt de la cour d’appel de Paris fasse jurisprudence pour « tous les assurés sociaux en attente de greffe depuis des années ». Ce jugement espéré pourrait même nourrir « un formidable espoir pour toutes les victimes en attente de dons d’organes ou de dons de tissus vascularisés en Europe et hors Europe car eux aussi risquent d’être confrontés à un refus de soin », imagine-t-elle.
À la suite de l’affaire Nataf – qualifiée par le Pr Dubernard de « fiasco pour la France » – des avancées en matière de programmes de recherche ont vu le jour dès 2017. L’arrêt de la cour d’appel de Paris ne sera pas rendu avant un mois.
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