Les centres de santé ont bel et bien l’interdiction de faire de la publicité, a tranché le Conseil constitutionnel, dans une décision publiée le 4 juin au Journal officiel, qui confirme la conformité de cette interdiction avec la Constitution.
Cette décision est l’apogée d’un feuilleton judiciaire entamé il y a plus de dix ans qui oppose les centres de santé dentaires Addentis - Association pour le développement de l’accès aux soins dentaires - et le reste de la profession, dont l’Ordre national des chirurgiens-dentistes. Condamnés en 2011, puis en appel en 2021, pour « concurrence déloyale », ces centres dentaires qui pratiquent des tarifs imbattables s’étaient pourvus en cassation et avaient adressé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), en avril dernier.
Si une ordonnance de 2018 prévoit que « toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite », Addentis considère que cette disposition entraîne une « différence de traitement injustifiée » entre ces centres et les professionnels de santé pour lesquels la réglementation a été assouplie par décret fin 2020. L’association de centres dentaires considère également l’interdiction de la réclame comme une atteinte à la liberté d’entreprendre.
« Pratique intensive de soins »
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel justifie pourtant l’interdiction de la publicité sur un « motif d’intérêt général ». Alors que les centres de santé pratiquent le tiers payant et aucun dépassement d’honoraires, l’interdiction d’action promotionnelle entend « éviter que ces centres, qui peuvent être créés et gérés notamment par des organismes à but lucratif, ne mettent en avant ces conditions de prise en charge pour développer une pratique intensive de soins », jugent les Sages.
Pour « prévenir de telles pratiques », « contraires à leur mission et de nature à porter atteinte à la qualité des soins dispensés », l’interdiction de la publicité en faveur des centres de santé est bien conforme à la Constitution.
Le syndicat des chirurgiens-dentistes de France (CDF) s’est réjoui le jour même la décision du Conseil constitutionnel, « ultime bataille (...) dans la guerre contre les centres mercantiles ». En juillet 2021, la Cour d’appel de Paris avait déjà enjoint ces centres - dont les plus connus se trouvent à Bondy ou à Aubervilliers en région parisienne - à « cesser immédiatement tout acte publicitaire et tout acte de concurrence déloyale », notamment sur internet.
Addentis devait notamment supprimer de ses sites les pages renvoyant « aux actes de publicité́ effectués via les médias de presse écrite et de télévision », la totalité de la page « témoignages », mais aussi plusieurs mentions « suggérant une comparaison entre les tarifs proposés par l’un des centres de santé et les tarifs proposés par d’autres praticiens », par exemple : « Vous recherchez des soins dentaires de qualité à des prix accessibles ? » ou « pour profiter de soins de qualité et pas chers ».
Bourguignon interpellée
Le syndicat de dentistes libéraux entend bien poursuivre le combat contre ces « dérives inqualifiables ». « Nous avons systématiquement averti les pouvoirs publics de chaque alerte concernant les conditions d’exercice dans ces centres, ce qui aboutit à la fermeture de plusieurs « enseignes » … Mais ces fermetures arrivent toujours trop tard, quand ces centres ont déjà « maltraité » plusieurs milliers de victimes ! », s’indignent-ils.
Le CDF demande désormais à Brigitte Bourguignon de soumettre l’ouverture de centres dentaires à une autorisation préalable, en place avant 2009, qui permettrait de contrôler « les garanties de sérieux et de médicalité des centres associatif ».
Selon « Le Parisien », 12 % des chirurgiens-dentistes travailleraient dans des centres, un chiffre en augmentation constante. Plus de 80 établissements seraient dans le viseur de l’Assurance-maladie.
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