Il se disait « émerveillé par les capacités du corps à s’autosoigner grâce au jeûne ». Un homme de 58 ans se présentant comme « naturopathe » a été mis en examen jeudi pour homicide involontaire après plusieurs décès survenus à la suite de jeûnes prolongés qu'ils avaient organisés lors de « cures hydriques ».
Les stages – proposés par Éric Gandon moyennant « plusieurs centaines, voire milliers d'euros » – consistaient « à ne pas absorber d'aliments solides durant une à plusieurs semaines sans qu'aucun suivi médical ne soit assuré ni prévu », explique le procureur de la République de Tours, Grégoire Dulin.
Décès d'une femme de 44 ans
Lors d'un de ces stages, organisé dans un château à Noyant-de-Touraine (Indre-et-Loire), une femme de 44 ans avait trouvé la mort le 12 août 2021, déclenchant l'enquête. La victime cherchait à perdre du poids après un traitement hormonal, selon Éric Gandon – qui n’a aucune formation médicale – et avait alors affirmé à la presse locale que le décès aurait été causé par la vaccination.
Malgré le décès de sa stagiaire, le naturopathe aux 72 000 abonnés sur YouTube avait poursuivi les stages en cours, amenant la préfecture à prendre quelques jours plus tard un arrêté d'interdiction de ces cures et séjours sur la commune.
Une information judiciaire avait rapidement été ouverte à Tours et a permis d'identifier quatre autres victimes, dont deux décédées depuis. Une plainte concerne un homme âgé d'une soixantaine d'années, mort le 18 juillet 2020, un mois après avoir participé à un stage organisé en Vendée alors qu'il souffrait d'un cancer en phase terminale. Une autre est liée au décès, le 15 mars 2022, d'une jeune femme ayant suivi des formations organisées par Éric Gandon l'année précédente alors qu'elle souffrait d'un cancer du foie et était en rupture de traitement, détaille le procureur. Deux autres plaintes émanent de participantes au stage organisé à l'été 2021.
« Jeûner pour guérir du cancer »
Malgré les décès et les mesures administratives, « Éric Gandon avait poursuivi l'organisation de stages de jeûne et la promotion de ses méthodes, qui n'apparaissaient reconnues ou avalisées par aucune institution publique ou autorité médicale », souligne le parquet de Tours.
Sur son site et sa chaîne Youtube, le praticien autoproclamé distillait ses conseils : « jeûner pour guérir du cancer », « soigner l’hypertension avec le jeûne »… Il affirme ainsi avoir accompagné plus de 4 000 personnes via ses cures.
Exercice illégal de la médecine
Éric Gandon a été mis jeudi en examen des chefs d'homicide involontaire, abus de faiblesse, mise en danger de la vie d'autrui et exercice illégal des professions de médecin et pharmacien pour des faits survenus de juillet 2020 à janvier 2023. Il a été écroué.
Le fils du naturopathe, âgé de 25 ans, qui participait à l'organisation des stages et à la promotion des méthodes de son père sur YouTube, a quant à lui été mis en examen des chefs d'exercice illégal des professions de médecin et pharmacien. Il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer toute activité en lien avec le jeûne et la naturopathie. Sur son site, le fils d’Éric Gandon met notamment en avant sa formation à « l’école de psychosomaticien intégratif à l’hôpital de la Salpêtrière ».
Les deux mis en examen, qui n'ont pas d'antécédents judiciaires, contestent l'intégralité des faits qui leur sont reprochés, indique le parquet.
Les dangers du jeûne
Dans son dernier rapport publié en novembre, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alertait à nouveau sur la prolifération en France de ces « dérapeutes ». Naturopathie, mais aussi crudivorisme, décodage biologique, reiki : 744 saisines de la Miviludes concernaient la santé en 2021. En un an, les signalements liés aux médecines alternatives ont bondi de 25 %.
Depuis plusieurs années, la Miviludes met en garde sévèrement sur les « dangers » de la naturopathie et du jeûne. Une dérive d’autant plus néfaste qu’elle place les victimes, privés d’aliments, dans une situation de vulnérabilité extrême.
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