La ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique) est un des derniers artifices de l’assurance-maladie pour éviter ou retarder les revalorisations d’honoraires et leur substituer une rémunération indépendante du volume des actes, après les diverses « primes » qu’étaient les forfaits ALD, médecin traitant, pédiatrique… Autant d’embryons de paiement à la capitation plutôt qu’à l’acte, tout cela présenté comme un encouragement aux comportements vertueux, donc comme des propositions qu’on ne peut pas refuser. C’est en tout cas l’option qu’ont prise nos syndicats.
Rappelons d’abord que toutes ces rémunérations sont différées de plusieurs mois, souvent même d’un an, puisqu’elles sont évaluées a posteriori. On admet sans état d’âme que les médecins soient un peu mieux payés, mais plus tard ; après tout ils peuvent bien attendre, c’est comme pour le tiers payant des mutuelles…
La ROSP est dans son principe discutable puisqu’elle repose sur une autoévaluation du praticien, un peu comme en d'autres temps le concept du « médecin référent » autoproclamé, encore une trouvaille syndicale hasardeuse… Autoévaluation faite en concertation certes avec un Délégué de l’assurance-maladie (DAM), mais dans mon expérience aucun n’a jamais discuté les affirmations qu'on peut tenir devant lui concernant par exemple le nombre d’hypertendus d’une clientèle amenés à l’équilibre, le pourcentage de diabétiques ayant une hémoglobine glycosylée aux objectifs… Cette évaluation est nécessairement approximative : pour qu’elle soit fiable il faudrait qu’elle repose sur une requête informatique, manœuvre assez chronophage (sauf virtuosité particulière) sur nos logiciels médicaux, donc irréalisable dans le temps imparti d’un rendez-vous avec le (ou la) DAM. En outre rien n’empêche un confrère de déclarer tous ses objectifs à 100 % dans le seul but d’obtenir une ROSP maximale, et plus il sera maltraité ou mal disposé par sa ministre, plus il sera tenté de le faire.
Une pénalisation… une fois de trop
Enfin, puisque nous arrivons à la période où les générations de médecins du baby-boum ayant terminé leurs études dans les années 1975-1990 partent en retraite au rythme de quelque 3 000 par an, il faut les avertir d’une situation fiscale inédite qui va les concerner : l’année qui suivra leur cessation d’activité, ils devront acquitter un impôt sur le revenu calculé sur leur dernière année d’activité, avec des revenus diminués d’environ 60 % : jusqu’ici rien d’exceptionnel, c’est le cas de presque tous les retraités. Mais là où ça se corse, c’est que l’administration fiscale leur demandera d’extrapoler de leurs dernières années d’activité les honoraires différés que sont les divers forfaits et ROSP, et de les ajouter à ceux de la dernière année !
En d’autres termes, on leur demandera de payer une partie de leur impôt sur des sommes qu’ils ne toucheront que l’année suivante et dont ils ne connaissent même pas le montant ! Comme ces rémunérations sont de moins en moins négligeables, (on sent d’ailleurs une certaine fierté de M. Revel à annoncer le montant moyen de la ROSP dans le titre accrocheur de l’article du « Quotidien » concerné), il est bon qu’ils sachent que ceci pourra représenter une majoration sensible de leur impôt de nouveau retraité. Exemple vécu personnellement en 2014 après seulement 3 trimestres d’activité en 2013 : 2 000 € d’IR supplémentaire. Certes cela n’arrive qu’une fois, mais c’est une fois de trop.
Comment remédier à cette pénalisation ? Le bon sens aurait été que les médecins aient droit à une déclaration 2035 supplémentaire l’année qui suit leur départ pour tenir compte des rémunérations différées, mais il paraît que ce n’est pas possible. Liquider sa retraite, lorsque l’âge le permet un an ou deux avant son départ (poursuite de l’activité en cumul emploi-retraite) permet de provisionner de quoi payer l’impôt, mais c’est à double tranchant car la retraite versée vient majorer le revenu de la dernière année d’activité. Le plus simple est de cesser son activité en cours d’année, idéalement au milieu d’une année civile, pour éviter une imposition excessive due à un dernier chiffre d’affaires trop élevé.
Déposer un recours en Conseil d’État devant cette curieuse coutume fiscale consistant à faire payer en avance un impôt sur des revenus encore inconnus et à venir ? Cette suggestion n’a pas retenu l’intérêt de nos syndicats ni de la CARMF, du moins ceux de leurs membres à qui j’en ai parlé. Quant à le faire à titre individuel, les tarifs des avocats spécialisés dans ces recours sont dissuasifs, nettement supérieurs au bénéfice fiscal attendu.
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