Il se comparait sans peine à Frankenstein. Le Dr Paolo Macchiarini, chirurgien italien, qui avait fait les gros titres en 2011 pour les premières greffes de trachée synthétique, est jugé depuis ce mercredi 27 avril en Suède pour « maltraitance aggravée ». Ces opérations, considérées comme révolutionnaires, avaient rapidement tourné au fiasco.
Ce procès est l’aboutissement de près de dix ans de scandale autour du sulfureux chirurgien italien. Entre 2011 et 2014, Paolo Macchiarini - alors chercheur invité à l'Institut Karolinska de Stockholm d'où est issue l'assemblée qui remet le prix Nobel de médecine - avait opéré huit personnes, trois en Suède et cinq en Russie, avec une technique de greffe de trachée synthétique recouvertes de cellules souches, considérée à l’époque comme pionnière. Sept des huit patients passés entre les mains du chirurgien sont décédés.
Fraude scientifique
En 2008, le Dr Macchiarini - aujourd’hui âgé de 63 ans - devient le premier praticien au monde à réaliser une greffe de trachée, colonisée par des cellules souches du receveur. Une technique censée, réduire les risques de rejet. Deux publications scientifiques, éditée dans The Lancet, accompagne alors la « prouesse » du chirurgien.
Mais dès 2013, les premiers ennuis surgissent pour le « dottore Macchiarini ». Quatre confrères de l'Institut Karolinska, cosignataires de plusieurs publications scientifiques avec Paolo Macchiarini, l’accusent de fraude scientifique. Ils relèvent notamment des différences entre la publication scientifique et le dossier médical des patients. La dégradation de l’état de santé de certains opérés est également passée sous silence. Ces révélations sont mises en lumière par la diffusion d’un documentaire.
« Créer de nouveaux organes, comme Frankenstein »
La même année, l'hôpital Karolinska suspend toutes les greffes du Dr Macchiarini. Mais trois ans plus tard, le chirurgien persiste et signe. « Nous voulons créer de nouveaux organes, comme Frankenstein », explique-t-il alors sans ciller à la télévision suédoise. Il est également soupçonné d’avoir gonflé son CV - se présentant comme le médecin personnel des Clinton, d'Obama ou de Poutine et assurant que le pape François était son patient et « ami ».
Les pratiques du Dr Macchiarini avaient provoqué un « Tchernobyl éthique » dans l’institut de recherche suédois, provoquant même des démissions au sein de l'Assemblée Nobel, qui regroupe 50 professeurs du Karolinska Institute suédois et qui décerne le prestigieux prix de médecine.
Reconnu coupable de fraude scientifique par un comité extérieur, il avait été licencié de l'institut en 2016. Le « Lancet » a finalement retiré en 2018 les deux articles du chirurgien publiés en 2011 et 2012 sur cette greffe de trachée est l'un des organes les plus difficiles à transplanter. Une équipe française menée par le Pr Emmanuel Martinod a finalement réussi en 2018 là où Macchiarini avait échoué.
« Sa seule motivation a été de soigner les patients »
« Paolo Macchiarini a réalisé l'opération au mépris total de la science et de l'expérience », a déclaré à l’ouverture du procès la procureure Karin Lundström-Kron, expliquant que les greffes avaient entraîné chez les trois victimes suédoises de graves blessures physiques et de grandes souffrances. « Il est clair que cette méthode (de greffe) n'a pas fonctionné », a souligné le procureur Jim Westerberg.
Le chirurgien, qui est resté impassible lors de la première journée du procès, prenant des notes, a nié tout comportement criminel, estimant qu'il s'agissait de traitements et non d'expériences hasardeuses. « Sa seule motivation a été de soigner les patients », a affirmé son avocat Björn Hurtig.
Le procès doit s'étaler sur 13 jours et se terminer fin mai.
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