Le Dr Jean Thévenot, président du conseil régional de l’Ordre des médecins (Crom) d'Occitanie, a été réélu le 15 février à la tête de cette institution, en dépit d’un audit interne sévère de l'Ordre national (Cnom) – rendu en avril 2021 – que « Le Quotidien » s’est procuré. Le médecin avait alors été déféré devant la chambre disciplinaire.
SMS à toute heure
Pour rappel, le gynécologue-obstétricien toulousain est accusé de harcèlement moral et violences psychologiques – qu'il nie catégoriquement – par deux de ses ex-collaboratrices (responsable et secrétaire administratives). Deux médecins ont aussi déposé plusieurs plaintes pour harcèlement moral contre le Dr Thévenot : le Dr Eugénie Izard ainsi qu'un autre praticien qui a déposé plainte mi-février pour harcèlement moral et usurpation d'identité.
À la lecture des conclusions de l'audit détaillé de l'Ordre national auprès de son antenne régionale, ces accusations ont une résonance particulière. Les auditeurs considèrent que l’exécutif du Crom d’Occitanie a eu « des comportements inappropriés à l’égard du personnel qui pourraient aller jusqu’à être qualifiés de harcèlement ». Le rapport fait état de comportements jugés « déontologiquement intolérables » de la part d'un président ordinal. Il précise par exemple que le Dr Thévenot a demandé à une de ses salariées « d’en enregistrer une autre » et qu’il « adressait ses mails, des SMS ou des messages par WhatsApp au personnel à toute heure ».
Et de considérer que la gestion de l'Ordre régional était « problématique voire calamiteuse » sur plusieurs points, « tant en ce qui concerne la gestion administrative que celle des ressources humaines ». Sur le plan du fonctionnement du Crom, l'audit pointe aussi « l'omnipotence » et la « centralisation » de nombreuses décisions (RH, gestion financière) par le Dr Thévenot, entraînant une « absence de professionnalisme dans la gestion par le bureau ».
Mutisme de l'Ordre national
L’audit se contentait de simples recommandations : « mettre fin aux échanges, à toute heure entre les élus et le personnel par SMS, mail ou WhatsApp » ; « envisager, sans délai, les conditions du retour de Mme C. à son poste, à l’issue de son congé » ; « prendre les mesures nécessaires permettant à Mme A., à son retour d’arrêt de travail, de réintégrer ses fonctions au sein du conseil régional d'Occitanie », ou encore « faire des fiches de postes pour répartir les tâches entre les secrétaires. » Les auditeurs souhaitaient être missionnés, une seconde fois, dans les six mois, pour vérifier la mise en œuvre des recommandations.
Las, dix mois plus tard, les critiques accablantes de l'audit ont fait place à un mur de silence. Contactés par « Le Quotidien », ni l'Ordre national, ni le Dr Jean Thévenot n'ont souhaité réagir à ce stade à l’audit et aux préconisations.
On ignore si l’Ordre a saisi le procureur de la République, comme la loi l’y oblige, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale. Ce dernier précise que toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, « acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit » est tenu de prévenir sans délai le procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Recos non suivies
Une chose est sûre néanmoins : certaines recommandations de l’audit n’ont pas été suivies. « Mme A. » n’a pas réintégré ses fonctions. Selon nos sources, son arrêt aurait été reconnu comme maladie professionnelle en décembre 2020, en raison du harcèlement dont elle dit avoir été victime.
Autre préconisation non respectée : l’ex-responsable administrative du Crom Occitanie (Mme C. dans l’audit) est toujours en arrêt maladie, victime d’un syndrome anxiodépressif. Licenciée pour faute grave en juin 2021, elle a porté plainte pour harcèlement moral contre le Dr Thévenot et a déposé une requête devant les prud'hommes pour licenciement abusif. Selon nos informations, elle est reconnue comme travailleuse handicapée depuis septembre dernier.
Sous antidépresseurs
Quant à l'ancienne secrétaire administrative du Crom (recrutée en mai 2019), qui avait également porté plainte pour harcèlement et violences psychologiques contre le Dr Thévenot, elle a également été licenciée pour faute grave en mai 2020, licenciement qu'elle juge abusif. Celle-ci accuse le médecin de lui avoir demandé d'espionner et d'enregistrer, à son insu, « Mme C. » en septembre 2019. Des accusations que dément le Dr Thévenot. Selon nos informations, elle serait elle aussi reconnue comme travailleuse handicapée, également sous antidépresseurs et anxiolytiques.
Ironie de l'histoire, cette ancienne secrétaire administrative de l'Ordre régional était également salariée de l'association MOTS. Fondée il y a dix ans à Toulouse pour accompagner les soignants en souffrance, cette association est présidée… par le Dr Thévenot.
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