Des dizaines de kilomètres à parcourir pour une simple consultation chez un généraliste, de longs mois d’attente avant un rendez-vous chez un ophtalmologue, un cardiologue ou un gynécologue : face à une offre médicale en raréfaction, les inégalités se sont accrues ces dernières années.
Selon le dernier baromètre santé de la Mutualité française, 7,4 millions de Français (11,1 % ) vivaient dans un désert médical en 2019 contre 5,7 millions en 2016 (8,6 %). De plus, 7 à 9 millions de Français n'ont pas aujourd'hui de médecin traitant aujourd'hui.
Cette diminution inquiétante des praticiens concerne autant les généralistes que les spécialistes, surtout dans les zones rurales et la situation va continuer à se détériorer avec les départs à la retraite dans les dix prochaines années. Selon la Drees, le service des statistiques du ministère de la Santé, la densité médicale en France va atteindre son « point bas en 2028 » pour ne retrouver son « niveau actuel qu’en 2035 ».
Or, face aux « déserts médicaux » qui avancent, l'État est accusé de n'avoir pas su jouer pleinement son rôle. À quelques mois de l'élection présidentielle, les critiques pleuvent. Le 29 septembre dernier, l'Association des maires ruraux a qualifié cette dégradation de « bombe à retardement ». « Quand les médecins viennent à manquer, quand les urgences viennent à craquer, c’est un SOS que nous lançons », a proclamé Guillaume Garot, député socialiste de la Mayenne lors d'une question d'actualité le19 octobre dernier. L'État « doit faire plus et mieux pour aborder avec lucidité et conviction les difficultés d'accès aux soins », ont martelé, en choeur, les sénateurs de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, Philippe Mouiller (LR, Deux-Sèvres) et Patricia Schillinger (LREM, Haut-Rhin), dans un rapport sur le sujet. Même les députés du MoDem, alliés du gouvernement, estiment aujourd'hui que « le compte n'y est pas » dans la lutte contre les déserts médicaux.
Instaurer un nouveau contrat
Face aux fractures territoriales, les parlementaires n'ont pas cessé, depuis plus de quinze ans, lors des examens des projets de loi de financemement de la Sécurité sociale (PLFSS) successifs, d'imposer la coercition à l'installation, par le biais notamment du conventionnement sélectif. Mais toujours en vain, quelle que soit la majorité. Pour ce dernier PLFSS du quinquennat, plusieurs députés sont pourtant revenus à la charge en invitant à donner la possibilité aux ARS de prévoir un conventionnement différencié selon la zone d'installation des nouveaux généralistes. « De Xavier Bertrand à Olivier Véran, en passant par Mmes Bachelot, Touraine et Buzyn, nous avons tout essayé, a fustigé, lors des récents débats, Thierry Benoît (UDI- Ille-et-Vilaine). Nous avons essayé les maisons de santé pluridisciplinaires, le relèvement du numerus clausus, la télémédecine, la défiscalisation et même les primes à l’installation jusqu’à 50 000 euros, ). En attendant que la suppression du numerus clausus porte ses fruits, il est de notre responsabilité de voter le conventionnement sélectif ».
La gauche est à l'unission. « L'idée est d'instaurer un nouveau contrat, de nouvelles règles avec les jeunes médecins pour légalité d'accès aux soins », a appuyé Boris Valaud (PS-Landes). Pour mieux faire passer la pilule, le député du MoDem, Jean-Pierre Cubertafon (Dordogne) propose, pour sa part, de mieux payer les médecins généralistes qui s'installent dans ces zones avec des tarifs différenciés de consultation. « Ce double tarif de consultation permettrait de garder le tarif actuel pour les médecins dans les agglomérations ou les zones rurales où il y a suffisamment de médecins, et de proposer un deuxième tarif pour les médecins qui accepteraient d'aller dans les zones sous-denses où on manque de praticiens » a-t-il fait valoir.
Une vieille lune
Mais cette fois encore, les coups de boutoir n'ont pas fait vaciller ce pilier de l'exercice libéral, faute de soutien du gouvernement. Interpellé sur le sujet, Olivier Véran, agacé, a même rétorqué : « la vieille lune qui consiste à dire qu’il y aurait des endroits où on serait gavé de médecins, qu’il suffirait de prendre son téléphone pour avoir n’importe qui dans les deux heures, cette réalité n’est pas celle de la France ». L'exécutif préfère toujours et encore miser sur les mesures incitatives (contrat d'engagement de service public, développement des maisons de santé, transfert de tâches…) du plan Ma Santé 2 022. « Il y a un frémissement, les choses avancent…), a tenté de convaincre Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé, dans l'hémicycle. Aussi me paraît-il prématuré d’opter pour des mesures plus coercitives. ».
Mais à six mois de l'élection présidentielle, il est de plus en plus difficile de convaincre parlementaires, élus locaux et patients. « Il faut arrêter de jeter l'argent par les fenêtres et obliger les nouveaux médecins à s'installer pendant quelques années dans les zones en tension, sur le modèle déjà fait pour d'autres professions libérales », plaide sans détour Maxime Le Bigot, président de l'Association des citoyens contre les déserts médicaux (ACDM). Cette organisation a déposé un recours au Conseil d'État en mai dernier pour enjoindre l'Était de prendre les mesures urgentes pour mettre fin aux inégalités d'accès aux soins. Si ce n'est pas les politiques qui le font, le juge va-t-il lui siffler la fin de la liberté de l'installation ?
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