« Démagogiques et inefficaces », « fausse bonne idée » : la majorité présidentielle balaie une proposition de loi communiste contre les déserts médicaux

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Publié le 02/12/2021
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Crédit photo : PHANIE

Bis repetita non placent. La proposition de loi (PPL) « pour une santé accessible et contre la désertification médicale », portée par le groupe de députés communistes a été rejetée ce jeudi par l'Assemblée nationale. Il a fallu trois heures de débats parfois tendus entre le rapporteur, Sébastien Jumel (PC, Seine Maritime), soutenu par des députés UDI et de La France insoumise d'un côté et, de l'autre, la majorité présidentielle (LREM et Modem). Le texte, comportant sept articles, avait déjà été repoussé déjà la semaine dernière en commission des affaires sociales.

Même si tous les parlementaires sont d'accord sur l'urgence d'agir contre les inégalités d'accès aux soins liées à la désertification médicale, ils sont divisés sur les méthodes contraignantes proposées par les communistes pour assurer une meilleure répartition des médecins sur le territoire. Devant un hémicycle clairsemé, Sébastien Jumel a tenu à défendre un texte qui n'est pas si « radical » selon lui.

Pourtant, la proposition de loi comportait bel et bien des mesures punitives comme la mise en place de contrats d'engagement de service public obligatoires (CESP, 1 200 euros par mois en contrepartie d'un exercice en zone sous-dotée pendant au moins deux ans) en contrepartie de la suppression du contrat de début d’exercice afin de « réorienter directement les financements publics vers les collectivités territoriales afin qu’elles créent des centres de santé ou renforcent des structures existantes ».

Conventionnement sélectif

Surtout, le texte proposait une énième fois un conventionnement sélectif (une installation pour un départ dans les zones dites surdotées), à l'instar de ce qui a été déjà fait pour les pharmaciens, les infirmiers, les sages-femmes… « Voilà une proposition de loi courageuse et indispensable car la liberté des uns a des limites quand elle compromet celle des autres », a appuyé Caroline Fiat, députée de la France Insoumise.

Ce n'est pas l'avis de Stéphanie Rist qui a jugé ces mesures « démagogiques et inefficaces ». La députée LREM du Loiret a fustigé le conventionnement sélectif en raison « du nombre trop faible de médecins ». « Les patients seraient obligés d'aller voir des médecins non conventionnés donc supporter la contrainte financière du non-remboursement, a argumenté la députée rhumatologue. Par ailleurs, les étudiants en médecine choisiront d'autres spécialités. Vous aurez donc mis fin à l'exercice de médecine générale libérale. »

Pas de polémiques

Représentant Olivier Véran, en déplacement à Angoulême avec le Premier ministre, la ministre déléguée à l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, est montée au créneau pour défendre les solutions mises en place par le gouvernement depuis cinq ans en faveur de l'accès aux soins.

Et d'énumérer outre la suppression du numerus clausus, le développement de l'exercice coordonné avec le soutien des maisons de santé, le recrutement des assistants médicaux pour épauler les généralistes, la télémédecine… « Ce sont de belles avancées. Il n'est pas question ici de polémique mais je ne peux pas entendre dire que l'accès aux soins n'est pas une priorité du gouvernement en ce moment », a-t-elle lancé, énervée, à l'adresse du rapporteur. « Je ne crois pas qu'on crée un désir d'installation par la contrainte », a-t-elle ajouté.

Gilets jaunes

Malgré le refus du gouvernement, le député UDI Thierry Benoît a tenté de faire adopter plusieurs articles additionnels dont celui d'obliger le médecin qui cesse son activité de donner « un préavis d'un an » ou encore celui d'instaurer la régulation à l'installation « pour deux ou trois ans dans les territoires sous dotés ». « Il n'y a pas de tabou et il faut bien poser la question de la régulation», a assuré l'élu d'Ille-et-Vilaine, estimant qu'il fallait « autant de liberté que possible, autant de régulation que nécessaire ». Des amendements jugés de « bon sens » soutenus par le rapporteur Sébastien Jumel. Mais là encore, Brigitte Bourguignon a tout balayé : « sur les préavis, c'est déjà le cas pour l'exercice groupé. Quant au conventionnement sélectif, c'est une fausse bonne idée en raison de la situation de pénurie médicale. On n'y arrivera pas ».

Face au mur gouvernemental, Sébastien Jumel n'a pas caché sa colère. « Je ne remercie pas les Marcheurs mobilisés pour que rien ne change, a-t-il fustigé. Tout le monde est d'accord pour diagnostiquer un grand corps malade mais la majorité refuse le traitement. Quand je vous écoute, Madame la ministre, « Quoi de neuf docteur ? Rien sous le soleil », à part de nous convaincre qu'il faut attendre encore dix ou quinze ans pour que le moindre changement s'opère ». Le député communiste a insisté sur les 11 millions de Français confrontés à « une offre de soins déficiente », un « désert médical » qui a nourri la colère des Gilets jaunes, a-t-il prévenu.


Source : lequotidiendumedecin.fr