Au Parlement, c'est un privilège du gouvernement : pouvoir amender, même au tout dernier moment, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qu'il a lui-même écrit, même pendant l'examen en séance du texte.
Alors que le débat à l'Assemblée nationale a débuté jeudi, l'ajout principal au texte n'est pas, pour autant, une surprise. Il s'agit de l'amendement qui ouvrira la généralisation du remboursement des consultations de psychologues par l'Assurance-maladie et les complémentaires à partir de l'année prochaine, conformément aux annonces du Président de la République lors des Assises de la santé mentale le 28 septembre. Il reste que l'amendement est peu disert, renvoyant pour beaucoup de points pratiques, pourtant déjà annoncés par le ministère de la Santé, à des textes réglementaires à venir.
Le ministère se laisse aussi de la marge pour d'éventuels ajustements après concertations. On sait que les psychologues trouvent le tarif de consultation proposé beaucoup trop faible. Et les médecins jugent que cette proposition ne va pas tout résoudre.
Dans le même champ, un autre amendement du gouvernement vise à prévenir la dépression du postpartum. Il institue un entretien postnatal précoce obligatoire, réalisé par un médecin, une sage-femme ou un infirmier de puériculture entre la 4e et la 8e semaine qui suit l’accouchement. Un second entretien pourra être proposé entre la 10e et la 14e semaine.
Nombreux oublis
Le gouvernement répare aussi quelques oublis de sa première mouture.
En effet, le directeur de l'Assurance-maladie avait promis que les médecins libéraux qui se sont vus réclamer des indus au titre du dispositif d'indemnisation pour perte d'activité (DIPA) pourraient échelonner leurs remboursements sur 12 mois. Un amendement au PLFSS assoit juridiquement cette possibilité et surtout élargit le DIPA. Sont concernés les médecins de montagne pour qui la période prise en compte va être rallongée afin de tenir compte de la fermeture des remontées mécaniques de ski durant l'hiver 2020-21.
Surtout, cet amendement intéressera les médecins libéraux exerçant en clinique et qui ont fait les frais de déprogrammations de soins non urgents « auxquels ont été contraints certains établissements de santé privés avec la reprise de l’épidémie de Covid-19 en juillet dernier et une recrudescence particulièrement dans certaines régions de patients Covid hospitalisés ». Le gouvernement veut en effet que l'Assurance-maladie mette en place un « dispositif exceptionnel d’accompagnement économique des médecins conventionnés confrontés à cette situation qui vienne prolonger les dispositifs d’indemnisation existant actifs jusqu’à la fin du mois de juin 2021 ». Autrement dit, couvrant la période de la 4e vague de la pandémie.
Santé publique
Parmi les autres ajouts de dernière minute, le gouvernement a souhaité donner des bases législatives à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) afin qu'elle puisse créer un cadre pérenne à la gestion des ruptures ou risques de rupture des dispositifs médicaux qu'elle a commencé à mettre en place.
Comme la faiblesse de mesures de santé publique dans ce budget avait été rappelée par le MoDem, le gouvernement rajoute aussi une expérimentation de deux ans, dans trois régions, de prise en charge par l’Assurance-maladie des traitements du sevrage tabagique par des substituts nicotiniques lorsqu’ils sont dispensés par les pharmaciens d’officine sans ordonnance.
En outre, conformément à une recommandation de l'Inserm, les salles de consommation à moindre risque pour les toxicomanes, rebaptisées dans ce PLFSS « haltes soins addict » pourront également être ouvertes dans des Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA).
Expérimentations
Si ce PLFSS généralise deux des expérimentations prévues par l'article 51 de la loi Sécu 2018, le ministère s'est aperçu que bon nombre des 98 autres expérimentations éponymes autorisées dans ce cadre arrivent aux termes de leur financement. Un amendement crée donc une « phase transitoire post-expérimentation », financée par le Fonds de l’innovation du système de santé, afin de « ne pas perdre la dynamique créée par l’expérimentation ».
Enfin, en plein mouvement de grève des sages-femmes qui ont annoncé pour ce week-end de nouvelles mobilisations, le gouvernement leur dédie un amendement de portée symbolique : la Cnam devra mettre en œuvre des campagnes d’information afin de « promouvoir, de communiquer et d’informer sur les compétences des sages-femmes ».
L'examen du texte a débuté jeudi matin en séance et l'agenda de l'Assemblée nationale prévoit que celui-ci soit achevé au plus tard dimanche soir.
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