DANS son rapport annuel sur la Sécu, la Cour s’alarme une nouvelle fois de la dégradation financière de la Sécurité sociale et identifie les leviers d’optimisation du système de soins. État des lieux et florilège des remèdes proposés (1).
• Le poison des déficits et de la dette
« L’essentiel du chemin reste à faire pour parvenir à l’indispensable équilibre des comptes sociaux », met en garde la Cour. De fait, malgré les nouvelles recettes votées cet été, la trajectoire de réduction des déficits marque le pas. Le « trou » du régime général devrait atteindre 14,7 milliards d’euros en 2012, supérieur d’un milliard aux objectifs votés. « Aucun de nos voisins européens n’accepte un tel déficit de ses comptes sociaux », assène Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. En l’absence de mesures énergiques de redressement, ce sont 60 milliards de dettes sociales qui pourraient s’accumuler d’ici la fin de la décennie en plus des 62 milliards que la loi a déjà prévu de transférer à la CADES (caisse d’amortissement de la dette sociale) de 2011 à 2018.
• Recettes : hausse de la CRDS et réforme fiscale
Côté ressources, la Cour préconise un relèvement immédiat du taux de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) de 0,5 à 0,56 %. Elle appelle également de ses vœux une réflexion d’ensemble sur la place des ressources fiscales pour stabiliser le financement de la protection sociale. La Cour évoque « une augmentation de la fraction de TVA affectée à la Sécurité sociale, le renforcement de la fiscalité environnementale et l’affectation de son produit à la protection sociale ». Et elle répète ses recommandations passées pour réduire ou supprimer les niches sociales.
• Dépenses maladie à la diète
Côté dépenses, la Cour plaide pour une baisse sensible de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM, qui traduit les marges de manœuvre octroyées au secteur de la santé - médecins, hôpitaux, laboratoires...). Les « sages » préconisent un taux annuel de 2,4 % de 2013 à 2017 (le gouvernement socialiste l’a fixé à 2,7 % pour 2013), ce qui signifie des milliards d’euros d’économies supplémentaires à trouver.
• Remboursement des cotisations de secteur I : modulation territoriale !
La Cour frappe fort. Chiffrant le coût de la prise en charge des cotisations sociales des médecins par l’assurance-maladie à 2,2 milliards d’euros par an (pour un généraliste de secteur 1, cela équivaut à percevoir 26 euros au lieu de 23 par consultation), la Cour suggère de diminuer ce financement qui fait partie du contrat conventionnel. L’idée a fait hurler la profession (encadré). Mais l’institution prétend que cette prise en charge des charges doit encourager une meilleure répartition des professionnels sur le territoire, d’où l’idée d’une « une modulation généralisée » du remboursement en fonction de la zone d’implantation et de la densité. La Cour va jusqu’à proposer le plafonnement ou la suppression de ces prises en charge.
• Arrêts maladie : disparités territoriales, contrôle insuffisant
Les IJ pour maladie représentent 6,4 milliards d’euros en 2011, en progression de 50 % depuis 2000. La Cour estime que « les inégalités observées en termes de fréquence et de durée des arrêts sur le territoire demeurent largement inexpliquées ». Le nombre moyen de journées indemnisées au titre de la maladie varie de un à cinq selon les départements (en incluant Paris). L’institution juge incohérents et peu efficaces les dispositifs de contrôle. Elle suggère de mieux sensibiliser les entreprises aux contre-visites (au domicile), ne pas cibler uniquement les médecins très gros prescripteurs d’arrêts de travail et d’intensifier le contrôle des praticiens hospitaliers. Elle propose enfin de systématiser la détection des fraudes.
• Contingenter les transports sanitaires
En 2010, assure Didier Migaud, les transports sanitaires ont coûté 3,5 milliards d’euros à l’assurance-maladie. Cette dépense a augmenté de 63 % en 10 ans, et représente désormais « l’équivalent de la moitié des remboursements des consultations de médecins généralistes en ville ». La Cour note une très grande variabilité du recours à ces transports, de 1 à 3 selon les départements. Elle propose des mesures énergiques : plafond départemental pour l’offre de transport de patients, tarification « commune et contrôlable » pour les VSL et les taxis, vérification systématique des factures, durcissement du barème des pénalités...
• RSI : peu efficace mais coûteux
La Cour constate que le Régime social des indépendants, mis en place en 2005, a provoqué « des difficultés majeures pour nombre d’assurés, avec risque de perte de droits ». Depuis fin 2011, concède Didier Migaud, le RSI tente de s’améliorer mais il « est encore aujourd’hui moins efficace et plus coûteux que les trois (régimes) auxquels il a succédé ». Un audit du futur système d’information partagé est préconisé.
• ARS : pas assez de pouvoir
Les Agences régionales de santé ont été installées rapidement et dans des conditions satisfaisantes, salue la Cour. Mais elle regrette que les ARS « ne disposent pas encore des marges de manœuvre suffisantes vis-à-vis des autres acteurs », préfets, assurance-maladie ou administration centrale. Le rapport note que les ARS n’ont « un véritable pouvoir de décision que sur moins de 2 % des dépenses d’assurance-maladie de leur ressort ». La Cour propose de renforcer le fonds d’intervention régional (FIR) pour accroître leurs leviers d’action.
• Soins de suite et de réadaptation : un secteur aux coûts variables
Le budget annuel des SSR a atteint 7,8 milliards d’euros en 2012. Mais ce secteur n’est pas suffisamment piloté. En cause son « hétérogénéité » marqué par des établissements aux logiques de gestion différentes. Les ARS sont priées de se pencher sur la question. D’ici là, la Cour juge prématuré le passage à la T2A de ce secteur, prévu pour 2013.
(1) Lire aussi page 3 les vives critiques de la Cour contre l’Ordre des médecins (contrôle insuffisant des dépassements d’honoraires).
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