« HISTORIQUE ». Le mot a été prononcé par plusieurs leaders syndicaux. L’assurance-maladie et quatre syndicats de médecins libéraux (CSMF, SML, Le BLOC et la FMF) ont finalement signé un relevé de conclusions pour répondre à la commande des pouvoirs publics, encadrer les dépassements et améliorer l’accès aux soins. Cet accord permettra aussi de revaloriser de nombreux tarifs opposables. « Le gouvernement a fait part de sa volonté que nous puissions aboutir, cela a été un élément déterminant dans cet accord, a résumé Frédéric van Roekeghem, directeur de l’UNCAM, à l’issue de cette séance marathon. Nous avons clarifié les points en suspens. Il faut saluer l’esprit de responsabilité des syndicats médicaux ».
MG France a suspendu sa signature à la consultation de ses instances. L’UNOCAM (complémentaires) n’a pas paraphé le relevé de conclusions, n’ayant pas été associée à la dernière phase. Son engagement dans le cadre de cet accord demeure encore flou et pourrait constituer un obstacle à l’application de l’avenant définitif. Le patron de la CNAM a estimé « souhaitable » que l’UNOCAM puisse signer le texte pour montrer « son engagement à poursuivre dans la voie de l’accès aux soins ».
Guerre d’usure, tactique.
Habitué aux négociations nocturnes qui s’éternisent, le directeur de l’UNCAM a fait traîner les discussions. Il n’a divulgué son premier projet d’avenant qu’à 1h30 du matin. Un second texte, 6 heures plus tard, puis une troisième version en début d’après-midi ont mis à l’épreuve les nerfs des négociateurs. Les partenaires se sont même quittés...pendant près d’une heure, persuadés qu’un clash irrémédiable avait eu lieu. Le directeur de la CNAM a annoncé la clôture des négociations avant de les reprendre, après l’intervention téléphonique de la ministre de la Santé. Une seconde négociation s’est alors déroulée sans l’UNOCAM, qui a permis de lever les derniers points de blocage.
Si le gouvernement et la CNAM sont en mesure d’afficher un accord permettant de réguler les dépassements, les syndicats peuvent se targuer d’avoir obtenu de nombreuses avancées (lire ci-dessous).
Le seuil fatidique de 150 % au-delà du tarif opposable qui permet de qualifier les dépassements abusifs n’est plus qu’un « repère », noyé au milieu de nombreux critères. Et il ne sera pas progressivement ramené à 100% d’ici la fin de la convention comme ce fut envisagé.
Par ailleurs, le contrat d’accès aux soins sera finalement ouvert aux anciens chefs de clinique assistants bloqués en secteur I – c’était un point dur, le gouvernement a lâché du lest.
Plusieurs revalorisations significatives ont été actées, en commençant par un nouveau forfait médecin traitant annuel de 5 euros par patient (ne bénéficiant pas d’une exonération de ticket modérateur). Ce forfait réclamé par MG France a vocation à être généralisé pour valoriser la prise en charge et le suivi des patients.
Dans un autre registre, des consultations lourdes ciblées et des majorations grand âge ont été décidées, en écho aux requêtes de la CSMF. La révision de la nomenclature technique va également intervenir plus vite que prévu pour revaloriser notamment les actes de chirurgie et d’obstétrique. Le SML a quant à lui obtenu, entre autres, un assouplissement de la procédure de sanction en proposant des critères nationaux pour repérer des dépassements excessifs et éviter des « dérives au niveau régional ».
Touraine salue un tournant majeur.
L’assurance-maladie a engagé un investissement de 320 millions d’euros sur trois ans auxquels s’ajouteront les 200 millions d’euros issus d’un plan d’économies sur l’imagerie médicale. Les complémentaires devraient investir 150 millions d’euros sur trois ans dans le développement de forfaits pour les médecins traitants. La Mutualité a affirmé que les mutuelles « assumeraient leurs responsabilités ».
Les instances des syndicats médicaux se prononceront sur l’avenant dans les prochains jours.
Le Dr Philippe Cuq, président du BLOC, estime que ce texte, « très compliqué », demandera une « analyse juridique poussée ». Le Dr Jean-Paul Hamon a indiqué avoir signé pour cesser la « chasse aux sorcières ». Quant au Dr Christian Jeambrun, président du SML, il voit dans ce possible accord, « une grande victoire des syndicats médicaux ». « La CSMF présentera à ses mandants cet avenant qui pourrait être un accord historique, a commenté son président, le Dr Michel Chassang. Il ne manque que l’implication financière des complémentaires dans le remboursement des compléments d’honoraires dans le contrat d’accès aux soins ».
Si ce texte était approuvé, il s’agirait d’un accord de grande portée. Il va modifier le paysage tarifaire en régulant le secteur II créé en 1980. Certaines associations ne manqueront pas de souligner les très nombreux critères d’exception qui compliquent la définition du tarif excessif. L’absence de contraintes pour les praticiens de secteur II qui n’adhéreront pas au contrat devrait également être montrée du doigt.
La ministre de la Santé a néanmoins salué un « tournant majeur pour la santé des Français ». « Grâce à cet accord, près de 5 millions de Français supplémentaires auront la garantie d’être soignés au tarif de la Sécurité sociale », a-t-elle assuré.
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