« Je n'ai pas été surpris par ce qui s'était passé », a assuré au « Quotidien » mercredi soir, Thomas Fatôme, DG de la Cnam, après avoir été contraint d'écourter la première séance des négociations conventionnelles avec les médecins libéraux.
Il n'empêche : la profession a marqué le coup fortement, dès le coup d'envoi des discussions avec l'Assurance-maladie, au siège de la Cnam. Au bout d'une heure et demie, après un tour de table et la présentation des orientations votées par le conseil de l'Uncam, les représentants des syndicats de médecins libéraux (CSMF, MG France, UFML-Syndicat, SML, FMF, Avenir Spé-Le Bloc) ont réclamé une suspension de séance puis posé trois conditions préalables de façon unitaire, contraignant le DG à lever prématurément cette réunion d'ouverture.
Les leaders syndicaux ont exigé que la reprise des négos conventionnelles soit conditionnée à la publication de deux textes réglementaires réclamés depuis plusieurs mois – sur l'augmentation de l'ASV et l'accès au secteur II. Ils ont aussi exigé de la Cnam de revoir son calendrier en posant la question tarifaire comme préalable des discussions (et non pas comme sujet final).
Prérequis
Le premier prérequis concerne la revalorisation de l'ASV, régime de retraite qui compte pour 34 % de la pension et qui est lié à la convention puisqu'il fait partie du contrat conventionnel. « Nous voulons que cette augmentation soit indexée sur l'inflation et que cet engagement soit écrit dans un texte », explique la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France. La CSMF précise que les syndicats réclament des garanties sur « le maintien des conditions de prise en charge sociale des médecins » et, donc, l’évolution de la valeur du point de service de l’ASV au regard de l’inflation galopante. L'an dernier, les syndicats avaient demandé une hausse de l'ordre de 1,1 %. « Cela ne nous a pas été accordé », rappelle la Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF.
Le deuxième préalable concerne le maintien de l'accès au secteur II à honoraires libres, en prenant en compte la réforme de l'internat avec le nouveau statut de docteur junior (phase 3, dite de consolidation). Cette demande de garantie émane particulièrement des syndicats de spécialistes mais intéresse aussi au plus haut point les étudiants en formation. « Depuis un an, commente le Dr Philippe Cuq, co-président de l'Union Avenir-Spé-Le Bloc, nous avons demandé que les conditions d'accès au secteur II prennent en compte la réforme du troisième cycle ». « Tout le monde est d'accord pour dire qu'une année sous le statut de docteur junior est comptabilisée à raison d’une année (sur les deux requises) pour acquérir le titre d’ancien assistant spécialiste des hôpitaux, précise le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. Or il n'y a toujours pas de texte réglementaire ». En réalité, la caisse a déjà apporté des garanties sur ce point mais les syndicats veulent un texte officiel.
Les tarifs d'abord !
Le troisième point, plus délicat, concerne le calendrier des négociations. Traditionnellement, le sujet crucial des honoraires et du bouclage financier est plutôt abordé – et arbitré au plus haut niveau de l'État – en fin de marathon conventionnel, parfois pour emporter des signatures. Mais cette fois, les syndicats, compte tenu du contexte inflationniste, ont exigé d'une même voix que les premières bilatérales programmées fin novembre soient consacrées aux tarifs, sans attendre mi-décembre comme le suggère le calendrier de la caisse… Tous attendent un signal clair sur ce terrain des honoraires.
De fait, les attentes sont fortes en la matière. « Sept ans sans revalorisation substantielle des actes et des difficultés à exercer toujours plus grandes : la colère de la profession est historique », avance le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S, qui juge « la question tarifaire prioritaire, préalable à toute autre discussion ». Même détermination au SML, qui veut porter l'acte de base à 50 euros, pour qui « rien ne sera possible sans un engagement fort de la Cnam sur le financement des actes médicaux ». « Si on reporte les négociations tarifaires à la fin, on risque de faire monter une colère sur le terrain qu'on aura du mal à maîtriser », avertit aussi le Dr Devulder (CSMF), partisan d'une logique « de droits et devoirs afin de donner aux médecins les moyens de s’organiser au service d’un accès à des soins de qualité ».
« Incompréhension technique » ?
Ce coup de pression syndical concerté – et non pas un clash définitif – ne semble pas avoir ébranlé le directeur de la Cnam. Il a en tout cas expliqué mercredi soir qu'« un texte sur l’indexation des pensions de retraite complémentaires sur l’inflation doit passer pour avis au conseil de la Cnam demain (aujourd'hui) ». Quant au point sur le secteur II, il s'agirait d'une « incompréhension technique » en passe d'être résolue.
Concernant la question tarifaire, le successeur de Nicolas Revel s'est montré plutôt ferme. « Comme dans tout début de négociation, les syndicats mettent en avant le sujet de la rémunération. Il ne peut y avoir de prérequis ou de préalables. La convention n'est pas uniquement un exercice de revalorisation et nous souhaitons évoquer l'ensemble des sujets en même temps. Et je n'ai jamais vu une négociation démarrer sur un cadrage financier », a-t-il d'abord analysé.
Pour autant, le DG a souhaité déminer le terrain. ll assure avoir des marges de manœuvre – sans les préciser – pour « renforcer l'attractivité de la médecine libérale et porter des revalorisations », en particulier pour les généralistes et les spécialités cliniques comme les pédiatres et les psychiatres. À l'écoute de la profession, il promet aussi de « réaménager calmement » le calendrier des négociations…
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