Alors que le ministre François Braun ouvrira lundi au Mans une vaste concertation sur la santé dans le cadre du Conseil national de la refondation, une centaine de cadres du Syndicat des médecins libéraux (SML) se retrouvent ce week-end, à Nice, pour des séances de brainstorming sur la future convention médicale et une mise en ordre de marche stratégique.
Vendredi, le Dr Philippe Vermesch, président du SML, avait lancé l'offensive conventionnelle dans un entretien au « Quotidien », réclamant notamment la hausse progressive du C à 50 euros ou un nouvel accès au secteur II.
Ce samedi, lors d'une matinée politique, en présence de Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à l'organisation des soins de la Cnam, le stomatologue du Var a appelé la Sécu à tourner la page de la convention médicale actuelle, « une cathédrale de complexité ». « Nous proposons d’en finir avec le maquis des consultations et d’instaurer trois niveaux », a-t-il martelé devant ses troupes.
50, 90 et 150 euros
C'est une valorisation très significative des actes cliniques et de l'expertise que le SML appelle de ses vœux. Le premier niveau correspondrait à une consultation de base à 50 euros « pour un examen complet hors pathologie complexe ». La consultation longue complexe « pour plusieurs motifs et/ou pour les patients complexes » devrait être rémunérée à 90 euros. Enfin 150 euros serait le tarif souhaité pour la consultation longue, très complexe, portant « sur des pathologies en évolution, la mise en place du plan de soin, la consultation d’annonce, le plan personnalisé de prévention, et la première consultation de psychiatrie », a énuméré le Dr Vermesch. Le SML propose aussi que ces trois niveaux de consultation se déclinent à domicile avec un forfait de déplacement de 30 euros, qui s'appliquerait à toutes les spécialités.
Pour les autres spécialistes, le syndicat propose une revalorisation de l’ensemble de la grille des actes techniques dont « le niveau est en dessous de la moyenne européenne », malgré l'évolution constante du coût de la pratique.
Autre requête, la pérennisation de la majoration de 15 euros facturée cet été dans le cadre des soins non programmés pour l'ensemble des médecins « qu’ils soient en secteur I en secteur II, mais aussi pour nos confrères de SOS Médecins et ceux des cliniques ».
Selon le SML, cet investissement sur la médecine de ville coûterait 10 milliards d'euros sur les 5 ans de la future convention. « Le chiffre peut paraître élevé, mais c’est trois fois moins que ce qui a été donné en deux ans aux hôpitaux publics ! », a avancé le patron du syndicat sous les applaudissements des cadres. Dans ce contexte, la progression limitée de l'enveloppe des soins de ville prévue dans le budget de la Sécurité sociale 2023 (+2,9 % soit 2,9 milliards d'euros supplémentaires) est clairement jugée « insuffisante » pour rendre attractive la médecine libérale.
Remise à plat
Face à ces revendications, la numéro 2 de la Cnam a été assez claire. Même si l'Assurance-maladie n'a pas encore reçu la lettre de cadrage ministérielle des négociations conventionnelles, « la probabilité de doubler le tarif de base à 50 euros est assez faible, même sur cinq ans. Cela me parait ambitieux (...) Aujourd'hui la rémunération des médecins en France est au niveau de la moyenne européenne », a-t-elle souligné malgré des protestations de cadres.
Pour calmer le jeu, Marguerite Cazeneuve a confirmé qu'il y aurait des discussions sur « la rémunération des libéraux, qui va augmenter ». « De manière générale, on va plus vers un contrat populationnel. Tout ce qui relève de l'engagement populationnel et territorial aura vocation à être valorisé », a-t-elle insisté, sans plus de précisions. La responsable de la Cnam rappelle aussi le défi de la prise en charge de patients complexes et de la coordination interpro. « Est-ce que cela passe nécessairement par l'acte. Je ne crois pas », a-t-elle expliqué.
Toutefois, la Cnam entend les critiques sur la complexité et le caractère obsolète de certaines tarifications. Marguerite Cazeneuve se dit prête à « mettre à plat la nomenclature des actes cliniques » et aussi simplifier la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). « On a un bilan clair sur les indicateurs Rosp qui ont fonctionné. Le fait de les simplifier et de les élargir (à d'autres spécialités) est à discuter avec les syndicats ».
Conventionnement sélectif et espace de liberté tarifaire
Marguerite Cazeneuve s'est ensuite prêtée aux jeux des questions de cadres inquiets notamment sur le risque de conventionnement sélectif dans le PLFSS 2023. L'article 22 de ce budget laisse en effet aux partenaires conventionnels la possibilité de fixer « les conditions à remplir par les professionnels de santé pour être conventionnés, relatives à leur formation et expérience ainsi qu’aux zones d'exercice définies par l'ARS ». « Ne vous inquiétez pas trop là-dessus, a balayé Marguerite Cazeneuve. Cet article a vocation à permettre aux partenaires conventionnels d'avoir des outils à leur disposition ».
Comme les hôpitaux, les médecins libéraux s'inquiètent aussi des conséquences de l'inflation sur leur trésorerie. « Ne faudrait-il pas prévoir un espace de liberté tarifaire pour motiver les médecins ? », a lancé un praticien. Marguerite Cazeneuve a ici confirmé que « les contrats Optam et Optam-co (options de modération des dépassements d'honoraires, NDLR) seront rediscutés. Mais le rôle de la Sécu est d'avoir des médecins qui prennent des patients aux tarifs opposables. Aujourd'hui la couverture par les complémentaires coûte cher, notamment pour les personnes âgées ».
Et les lapins ?
Interpellée par la Dr Sophie Bauer, chirurgienne, sur les mesures à prendre pour limiter les lapins, ces millions de rendez-vous médicaux non honorés qui empoisonnent les médecins, Marguerite Cazeneuve a indiqué que « cela ne relève pas que de l’Assurance-maladie mais du Parlement ». Pour autant, la Cnam planche sur ce sujet. La directrice déléguée de la Cnam s'engage aussi à travailler avec les syndicats sur la dérogation à la limitation des téléconsultations à 20 %, la rémunération des consultations avancées ou encore des mesures incitatives sur le cumul emploi retraite, un cheval de bataille du SML.
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