Annulation de contrats, perte de recettes : une enquête révèle le choc financier du Covid pour les remplaçants et jeunes installés

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Publié le 19/05/2020

Crédit photo : S. Toubon

C'est un dommage collatéral de la crise sanitaire qui n'avait pas été clairement documenté : l'impact financier massif (et ses effets psychologiques) sur les remplaçants et les jeunes installés. Rupture de contrats de remplacement, perte d'activité, méconnaissance des aides, la situation se traduit par deux mois de galère pour les jeunes.

68 % ont subi au moins une annulation de contrat

Selon une enquête* exclusive du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), que détaille « Le Quotidien », 92 % des 1 375 jeunes ayant répondu ont été impactés financièrement dont 60 % « tout à fait » et 32 % « plutôt oui », dans des proportions similaires pour les remplaçants et les jeunes installés. 

L'épidémie a d'abord causé une baisse très significative de la fréquentation des cabinets libéraux (- 50 % en médecine générale) aboutissant à multiplier les annulations de contrats. Ainsi, 68,3 % des remplaçants (qui avaient des contrats prévus en mars ou avril) ont eu au moins un remplacement annulé sur ces deux mois (alors que la moitié de ce panel avait déjà signé avec leur praticien remplacé).

10 % des remplaçants privés de CA en avril

Cette situation a mécaniquement conduit à une baisse rapide de recettes.

Au total, la chute de chiffre d'affaires atteint 40 % en moyenne dès le mois de mars pour l'ensemble des jeunes (graphiques ci-dessous). Dans le détail, 20 % des remplaçants et des jeunes installés ont perdu 30 % de leurs honoraires au mois de mars et 17 % ont même perdu 50 % de leur CA ce même mois. Une minorité (3,5 %) assure avoir perdu 100 % de ses recettes.   

Et sur le mois d'avril, la diminution de revenus est encore plus forte puisque la perte moyenne de chiffre d'affaires s'élève à 51,7 %. Pire, près de 10 % des remplaçants affichent des recettes nulles en avril.

Méconnaissance des aides

Concernant les aides ou soutien pour perte d'activité, trop peu de jeunes praticiens ont entamé des démarches, constate ReAGJIR. Parmi les remplaçants et jeunes installés ayant perdu plus de 50 % de leur CA en mars, la majorité (52,4 %) n'a pas sollicité le fonds de solidarité pour les libéraux, une proportion qui augmente encore en avril. Raisons invoquées : un défaut d'informations sur ce dispositif ou la conviction de ne pas y avoir droit (sous conditions d'éligibilité).

La CARMF a été sollicitée par moins de 5 % des jeunes. Là encore, près des deux tiers des cotisants qui peuvent prétendre à un accompagnement (886 théoriquement concernés par une cotisation CARMF) ignoraient que c'était une possibilité, souligne le syndicat junior. Et côté prévoyance, seuls 31 jeunes médecins ont déposé une requête (assurance, RCP).

Été décisif

Malgré les difficultés, le manque de lisibilité des aides et l'incertitude sur l'activité, 69 % des jeunes installés et remplaçants pensent pouvoir s'en sortir cette année (plutôt ou tout à fait). 16 % sont dans l'incertitude financière et près de 15% ont le sentiment qu'ils ne s'en sortiront pas. « Les mois de juillet et août sont une période clé pour les remplaçants car les médecins installés prennent leurs vacances, explique le Dr Laure Dominjon, présidente de ReAGJIR. Mais à l'heure actuelle, personne ne sait si les médecins vont partir ou si le nombre de consultations aura assez augmenté pour avoir besoin d'un remplaçant. »

En tout cas, le climat anxiogène risque de freiner les envies d'installation en libéral. Ces incertitudes « font hésiter les jeunes à poursuivre une activité libérale, ils préfèrent le salariat avec plus de sécurité et stabilité », analyse la présidente de ReAGJIR.

Discussions en cours

Le syndicat a entamé des discussions avec l'Ordre national des médecins afin que les médecins remplaçants non thésés puissent avoir une aide au cas par cas. Une démarche est également initiée auprès des agences régionales de santé (ARS) pour venir en aide aux médecins ayant signé un contrat de praticien territorial médical de remplacement (PTMR).

Enfin, des discussions avec la CNAM en vue d'une aide pour perte d'activité au bénéfice des remplaçants sont en cours (ils sont pour l'instant exclus de l'indemnité prévue pour les libéraux de santé). « Nous étudions la situation particulière des remplaçants dont nous ne connaissons pas les revenus », nous avait confié fin avril le DG de l'Assurance-maladie...  

* Enquête en ligne réalisée auprès de 1 375 jeunes médecins dont 993 remplaçants et 382 installés (du 24 avril au 9 mai). 88 % sont en activité libérale.  


Source : lequotidiendumedecin.fr