Lors d’un remplacement libéral, deux composantes financières distinctes sont à considérer à partir du montant des recettes généré à l’issue de sa tenue : d’une part la rétrocession d’honoraires que perçoit le remplaçant et d’autre part le pourcentage d’honoraires finalement conservé par le titulaire du cabinet remplacé.
1/La rétrocession d’honoraires perçue par le remplaçant
Cette somme est la contrepartie finale de l’activité médicale des soins délivrés par le remplaçant à la patientèle du titulaire remplacé. Que le remplaçant soit un médecin thèsé ou un étudiant habilité, peu importe. Comme toutes les activités de soins réalisées par un membre d’une profession réglementée et dépendant d’un Ordre qui s’assure des qualifications requises pour délivrer des soins à la personne, celle de la tenue d’un remplacement libéral échappe à la TVA par nature (article 261 du CGI). Il s’ensuit, pour la doctrine fiscale européenne comme française, que la rétrocession d’honoraires échappe à la TVA.
La seule exception à cette règle concerne depuis le 01/10/2012 les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité non thérapeutique, effectués lors de remplacements ponctuels. Sont concernées les spécialités suivantes pour la part d’actes non remboursés par la Sécurité Sociale : médecins généralistes, mésothérapeutes, dermatologues, angéiologues et chirurgiens esthétiques et vasculaires.
2/La part des honoraires conservée par le remplacé
Cette somme est la contrepartie de la mise à disposition implicite au profit du remplaçant d’un cabinet médical équipé (installations, matériels, local) et d’une patientèle. Il s’agit d’une activité de nature commerciale. C’est pourquoi cette part d’honoraires correspond pour la doctrine administrative à une redevance (exactement comme dans le cas d’un contrat de collaboration libérale qui lui, l’explicite clairement). Comme toutes les redevances, cette dernière est donc soumise à TVA dans la mesure où il ne s’agit plus de rémunérer une prestation de soins à la personne, mais une activité commerciale.
Toutefois, deux dérogations existent. Lorsqu’il s’agit d’un remplacement occasionnel, ponctuel, la TVA n’est jamais due sur la part des honoraires conservée par le titulaire. Et lorsqu’il ne s’agit pas d’un remplacement occasionnel, ponctuel, la TVA due bénéficie du mécanisme de la franchise en base de TVA (soit une réelle exonération) dès lors que la redevance annuelle perçue par le titulaire ne dépasse pas le seuil annuel de franchise, à savoir 34 400 € ou 36 500 € selon les cas de figure (chiffres valables pour les années 2020 à 2022). Ce seuil est applicable sans effet de proratisation à l’année du nombre de jours de remplacements non ponctuels effectués, et doit de surcroît inclure toutes les autres éventuelles recettes et redevances soumises à TVA du remplacé.
Le cas particulier de la tenue de poste
Le « remplacement » d’un confrère décédé reste à ce jour non assujetti à la TVA, du fait non seulement du caractère exceptionnel de cette situation, mais également de la durée naturellement courte : la législation la limite en effet à trois mois, renouvelable une seule fois.
Nos conseils et orientations pratiques
■ Ces précisions doctrinales permettent de clarifier les règles fiscales s’appliquant en cas de tenue de remplacements non occasionnels, une pratique devenue fréquente à travers les remplacements réguliers, par exemple d’un jour fixe par semaine. Elles permettent aussi d’orienter de manière décisive nos conseils sur les « propositions » de redressement fiscal à la TVA par les AGA et surtout par le fisc, notamment lors des remplacements libéraux non ponctuels, assez rémunérateurs chez le titulaire remplacé, dans certaines spécialités.
■ Enfin, ces précisions doctrinales font disparaître une vieille règle très pratique et favorable, en cours depuis les années 1970, qui voulait que les remplacements longs et non ponctuels motivés par la maladie ou un accident, ou encore la maternité du titulaire étaient assimilés fiscalement à des remplacements ponctuels courts, permettant d’échapper systématiquement à l’assujettissement de la TVA. Ce n’est plus forcément le cas, et chaque situation doit être examinée au cas par cas à partir de trois critères : motif et durée de l’arrêt, montants en jeux.
L’importance du formalisme lors d’un remplacement
■ La législation et la doctrine fiscale sont formelles : tous les encaissements de toute nature des actes réalisés par le remplaçant le sont au profit du titulaire lors du remplacement. Tous les chèques, toutes les cartes bancaires, toutes les espèces vont au nom du titulaire. Pratiquer autrement expose le titulaire et le remplaçant à l’assujettissement automatique et non discutable à la TVA, même lors de remplacements ayant un caractère occasionnel.
■ Les avantages en nature (AN) octroyés au remplaçant (hébergement, nourriture, frais de carburant, etc.) viennent grossir le montant réel de la rétrocession d’honoraires effectivement perçue par le remplaçant. Ils sont donc à comptabiliser en recettes imposables, côté remplaçant.
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