LE DOCUMENT devait rester confidentiel. L’Ordre des médecins a présenté aux syndicats d’internes (ISNIH, ISNAR-IMG) et de jeunes professionnels (REAGJIR) un projet de refonte des critères de remplacement lors d’une réunion au ministère de la Santé. Dans ce projet, que le « Quotidien » s’est procuré, le CNOM se positionne pour une augmentation du nombre de semestres à valider par les internes en médecine pour pouvoir remplacer. Il passerait ainsi de 5 à 6 semestres pour la stomatologie, la dermatologie, la gastroentérologie et la pédiatrie, de 5 à 7 semestres pour l’ORL, l’ophtalmologie et l’anesthésie-réanimation, de 3 à 4 semestres pour la médecine générale et la gynécologie médicale...
Pour quelle raison l’Ordre entend-il procéder à ces changements ? « Des discussions sont en cours et rien n’est verrouillé, temporise le Dr André Deseur, porte-parole du CNOM. D’ailleurs, ce n’est pas l’Ordre qui fixe les critères, il ne fait qu’appliquer la réglementation selon laquelle l’interne doit avoir réalisé approximativement les 2/3 de son cursus pour pouvoir remplacer ». Cette réglementation n’a pas été révisée… depuis 1994. Certains diplômes d’études spécialisées (DES) ont vu leur durée s’allonger. « Cela nous amène à modifier la durée de formation nécessaire pour accorder la licence de remplacement », explique le Dr Deseur.
À ce stade, l’Ordre, qui accorde les licences de remplacement, assure qu’il veut uniquement « toiletter » les textes de loi. « Il n’y a aucune volonté ordinale de limiter le remplacement ni d’ennuyer les gens qui vivent du remplacement », assure le porte-parole de l’institution. D’ailleurs, les modalités de remplacement ont récemment été assouplies. « Auparavant, on ne pouvait faire un remplacement qu’en médecine libérale, explique le Dr Deseur. Maintenant, le titulaire d’une licence peut remplacer en médecine du travail ou d’autres postes salariés en centres de santé ou établissements hospitaliers privés. »
Selon le dernier atlas de la démographie médicale, les remplaçants étaient au nombre de 9 903 au 1er janvier 2011, un bataillon considérable. Quelque 20 % des nouveaux inscrits à l’Ordre en 2010 étaient remplaçants tandis que 70 % ont été enregistrés au titre de médecin salarié et moins de 10 % en tant que libéral.
Le phénomène du remplacement ne touche pas que les généralistes, les plus nombreux avec plus de 6 700 professionnels. Le nombre de remplaçants en médecine spécialisée est en forte croissance ces dernières années (3 200 médecins). Dans certaines spécialités, le corps des remplaçants représente d’ailleurs une part non négligeable de l’effectif des professionnels libéraux comme en radiologie (19 %) ou en anesthésie-réanimation (17 %).
Des internes sur leurs gardes.
La création d’un statut particulier pour les médecins remplaçants a souvent été évoquée ces derniers mois mais l’assurance-maladie, le ministère de la Santé et l’Ordre des médecins n’y sont pas favorables. Les pouvoirs publics redoutent que trop d’avantages n’incitent pas les remplaçants à s’installer.
Le projet de l’Ordre a aussitôt suscité l’inquiétude des internes. Charline Boissy, présidente de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) s’étonne de n’avoir été informée que très récemment. « Le fait de rafraîchir un texte de 1994 peut s’entendre mais allonger le nombre de stages nécessaires au remplacement, c’est aussi potentiellement pénaliser les médecins qui recherchent un remplaçant », explique-t-elle. La crainte est surtout de voir les internes découvrir plus tardivement encore l’exercice libéral. « Il est nécessaire d’harmoniser les textes pour certaines spécialités comme la chirurgie orale ou la génétique médicale qui ne disposent pas de critères de remplacement mais pour les autres spécialités, nous devons encore discuter », avertit François Petitpierre, président de l’Intersyndicat national des internes des hôpitaux (ISNIH).
Dans le livre blanc qu’il a remis aux candidats à l’élection présidentielle, l’ISNIH demande que les internes en médecine puissent continuer à remplacer sans modification du nombre de semestres à valider. Le syndicat souhaite que les procédures administratives, fiscales et réglementaires pour pouvoir remplacer soient facilitées en créant un « guichet unique du remplaçant » et en dématérialisant les démarches nécessaires.
L’Ordre se dit ouvert la réflexion avec les jeunes professionnels. Une réunion est programmée dans deux semaines. « Des discussions sont en cours pour ne pas appliquer l’augmentation du nombre de semestres nécessaires en médecine générale », indique le Dr Deseur. Une décision motivée par « le désarroi des internes et la difficulté d’un certain nombre de médecins à se faire remplacer », ajoute le porte-parole du CNOM. L’Ordre souhaite également, sans doute, que son projet ne déclenche pas trop de vagues.
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