Vaccination, primoprescription, accès direct aux paramédicaux, transferts… Ces derniers mois, sur fond de démographie médicale déclinante, des actes et activités jusqu'ici dévolus au médecin traitant sont passés dans les mains d'autres professionnels de santé (infirmiers, pharmaciens, kinés) qui poussent pour faire bouger les lignes du parcours de soins. Dans un contexte où six millions de Français n'ont pas de médecin traitant, le gouvernement – pressé par les patients et les élus locaux de trouver des solutions rapides – se refuse à la coercition mais avance les pions des transferts de tâches pour dégager du temps médical.
En campagne présidentielle, le candidat Macron évoquait déjà, en mars, la possibilité de désigner des pharmaciens et des infirmiers « référents » pour « certains actes simples », comme des « renouvellements d'ordonnances ». En juin, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande d'ouvrir la vaccination des moins de 16 ans aux infirmiers et aux sages-femmes. Et en lançant le volet santé du Conseil national de la refondation (CNR) début octobre, le ministre de la Santé se fixe l'objectif de garantir l'accès à un médecin traitant « ou à une équipe traitante », signe que les temps changent.
Le partage des tâches est au menu des négociations qui viennent de s'ouvrir entre l'Assurance-maladie et la profession avec, là encore, la volonté de dégager du temps médical. Et le projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS 2023) ouvre aux infirmiers et sages-femmes la possibilité de prescrire et administrer certains vaccins, expérimente la signature de certificats de décès par les infirmiers et l'accès direct aux infirmières de pratique avancée (IPA). Par ailleurs, une proposition de loi spécifique de la majorité prévoit l'an prochain d'autoriser de nouveaux accès direct (IPA, kinés et orthophonistes) « dans une structure de soins coordonnés » – ainsi que la primoprescription pour les premiers.
Accord Clio, le détonateur
En parallèle, les sept Ordres des professions de santé — dont celui des médecins — ont signé un accord remarqué au sein du comité de liaison inter-Ordres (Clio). Celui-ci traduit la position du gouvernement, sur deux axes : développer dans chaque territoire « les partages d’actes et d’activités des médecins vers les professionnels de santé » au sein d’équipes ; mais aussi, « à défaut de médecin traitant disponible », permettre à d'autres professionnels de santé de prendre en charge et d'orienter le patient.
L'exécutif demande maintenant de « mettre en musique » au plus vite ce compromis, décrié par les médecins, qui y voient la mort programmée du médecin traitant issu de la réforme de 2004. Avec d'autres, MG France a lancé des actions de protestation dans les cabinets (« vendredis de la colère »), dénonçant une « dérégulation » doublée « d'une vision des soins en « one shot » sans prise en charge globale ; les Généralistes-CSMF pourfendent « une médecine en mode dégradé, sans chef d'orchestre ».
En creux de cette controverse se joue aussi l'évolution du modèle économique de la profession en libéral. De fait, si tous les actes simples sont délégués demain aux paramédicaux ou aux pharmaciens, l'expertise médicale clinique et technique doit être fortement revalorisée. La consultation à 50 euros était ainsi au cœur de la grève des médecins libéraux début décembre. Malgré ces controverses, le ministère de la Santé garde son cap. « On lutte avec les troupes dont on dispose », répète François Braun.
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