La loi de santé prévoit que les médecins bénéficieront du versement de pénalités de retard par la Sécu lorsque le remboursement d'un acte effectué en tiers payant dépassera un certain délai.
Un projet de décret, que « le Quotidien » s'est procuré, fixe à la fois ce délai maximal de paiement – sept jours ouvrés – et le montant de cette fameuse pénalité, qui sera d’un euro « forfaitaire » pour chaque facture payée au-delà de ce délai (quelles que soient l'ampleur du retard et la valeur de l'acte concerné). Le délai de paiement pour les feuilles de soins électroniques s'élève à 3,2 jours ouvrés en moyenne, selon l'assurance-maladie.
La pénalité de retard sera versée aux praticiens par la caisse primaire au premier trimestre de l'année suivant celle où l'acte en tiers payant a été réalisé, sauf la première année pour laquelle les versements sont décalés… au premier trimestre 2018.
Le même texte précise que le paiement des actes ou prestations en tiers payant « est garanti », sous réserve que le patient ait présenté une carte Vitale à jours des droits, ou à défaut, une attestation de droits délivrée par sa caisse. De plus la carte Vitale du patient ne devra pas être inscrite sur la liste d'opposition.
Euro « grand-guignolesque »
C'est un euphémisme de dire que les syndicats de médecins libéraux – qui ne veulent pas entendre parler du tiers payant généralisé au demeurant – ont accueilli fraîchement ce projet de décret.
Le montant de la pénalité, un euro symbolique, est jugé en soi comme une forme de mépris. « Un euro, c'est minable », lâche le Dr Éric Henry, patron du Syndicat des médecins libéraux (SML). « C'est du grand guignol », renchérit le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « On est atterré », confirme le Dr Jean-Paul Hamon, chef de file de la FMF. Le leader syndical aimerait « que ça soit pareil quand un médecin paye l'URSSAF en retard ». « Rappelons-nous des déclarations enfiévrées de la ministre en plein état d'urgence, qui avait fait des pénalités l’un des socles de garantie de fonctionnement du tiers payant généralisé, tacle à son tour le Dr Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre (UFML). Une fois de plus la réalité de la mise en œuvre des actes ministériels n'est que mépris. »
Les syndicalistes relèvent surtout que ce sera aux praticiens eux-mêmes de vérifier le respect des délais de paiement et de réclamer à leur caisse le versement des éventuelles pénalités. « L'assurance-maladie ne va pas s'auto-pénaliser en prévenant un médecin qu'elle a dépassé le délai légal… », prédit le Dr Ortiz.
Remboursement illusoire ?
Le suivi de ce système (justificatifs, règlement, délais, pénalités) s'annonce comme une usine à gaz, redoute la profession. « Nous sommes incapables de savoir ce qu'ils nous remboursent, assure le Dr Hamon, et encore moins de calculer s'ils le font dans les délais. On reçoit des pages entières dont chaque ligne fait référence à plusieurs paiements groupés, impossible d'y voir clair. »
Le Dr Éric Henry (SML) prédit que la plupart des médecins ne demanderont pas de remboursement à leur caisse, de guerre lasse. « La charge de la vérification, et donc de la preuve, nous incombe, selon ce décret. Tout ça pour un euro, qu'on récupérera au mieux un an après, les médecins ont autre chose à faire ! Ils vont laisser filer, merci Madame Touraine. »
Le Dr Claude Leicher, président de MG France, rappelle que les médecins ont de tout temps été opposés à l'idée de devoir vérifier eux-mêmes les droits des patients. « Ça n'est pas nous qui avons souhaité la mise en place du tiers payant, ce n'est pas à nous de faire ce travail, argumente-t-il. Faire du tiers payant sans garantie de paiement va nous mettre en difficulté économique. »
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