La solution paraît aujourd'hui aussi simple que l'équation semblait compliquée. Dans un rapport d'une trentaine de pages présenté ce mercredi matin à la profession, les caisses nationales d'assurance-maladie (CNAM, MSA, RSI), et l'association des organismes complémentaires représentant mutuelles (FNMF), institutions de prévoyance (CTIP) et sociétés d'assurance (FFSA), détaillent les solutions techniques retenues pour généraliser la dispense d'avance de frais sur les parts obligatoire et complémentaire.
Quelques jours après la décision du Conseil constitutionnel laissant l'application du tiers payant à l'appréciation des professionnels de ville pour la part complémentaire, les auteurs ont tenté de répondre à la commande du ministère qui demandait un système simple et en un seul geste, un paiement rapide et sécurisé ainsi qu'une information claire du suivi des remboursements.
Présents lors de cet exposé, les syndicats de médecins ont confié au « Quotidien » leurs doutes. Pas convaincu par le dispositif dévoilé, le Dr Luc Dusquenel (UNOF-CSMF) estime qu'« il y aura peut-être moins d'impayés pour de l'assurance-maladie obligatoire mais ce système ne changera rien pour la part complémentaire. Le paiement direct a encore de beaux jours devant lui ! ».
Quelles solutions ont été retenues ?
Les régimes obligatoire et complémentaire assurent avoir entendu les attentes des médecins. « La généralisation du tiers payant ne doit pas s’accompagner d’un alourdissement des tâches administratives pendant la consultation et le temps consacré au suivi des paiements. »
Selon les auteurs, la dispense d'avance de frais doit reposer sur des échanges de flux dématérialisés (FSE) et s’appuyer sur les dispositifs qui ont fait leurs preuves : la carte Vitale et la facturation SESAM-Vitale. 75 % des professionnels de santé télétransmettent et 99,6 % des médecins qui font des FSE utilisent la version 1.40 du logiciel SESAM-Vitale.
Comment les médecins pourront vérifier les droits des patients ?
Les patients devront présenter leur carte Vitale à jour de droits pour bénéficier du tiers payant sur la part obligatoire et, dans un premier temps, une attestation de leur complémentaire à jour de droits pour la part complémentaire. Aucun équipement supplémentaire ne sera nécessaire, précise le rapport.
« La carte Vitale sera un élément clé de la garantie de paiement pour la part obligatoire, explique au "Quotidien" Nicolas Revel, directeur de la CNAM. Nous prenons donc l'engagement que le règlement sera garanti sur la base des droits tels qu'ils apparaissent dans la carte Vitale au moment de la facturation.»
Dès juillet 2016, un télé-service inter-régimes obligatoires ADR (pour acquisition des droits) intégré dans les logiciels métiers aidera les médecins à vérifier les droits d’un malade. « Cela permettra aux professionnels de santé de faire bénéficier les patients de droits plus favorables (exonération de ticket modérateur, par exemple) avant même que l'assuré ait mis à jour sa carte Vitale», précise Nicolas Revel.
L'assurance-maladie s'engage à réduire les rejets (1 % des FSE en tiers payant aujourd'hui). « Les seuls rejets de paiement qui perdureront seront liés à des erreurs de facturation, promet le patron de la CNAM. Les autres motifs ne seront plus supportés par les professionnels de santé.»
Comment les praticiens volontaires pourront appliquer le tiers payant sur la part complémentaire ?
Un contrat technique de tiers payant, commun à toutes les complémentaires sera proposé aux médecins. Il précisera « les conditions et engagements relatifs à la garantie et aux délais de paiement». À partir de 2017, les praticiens pourront, s'ils le souhaitent, vérifier les droits complémentaires de l'assuré grâce à un service en ligne baptisé IDB (Identification des droits des bénéficiaires). Intégré à leur logiciel, il précisera l'éventuel reste à charge à recouvrer auprès du patient selon son contrat. Les complémentaires veulent croire que ce service en ligne permettra de réduire considérablement les rejets dus principalement à des erreurs d'identification de l'organisme de l'adhérent ou de ses droits.
Quel sera le délai de règlement ?
Assurance-maladie et complémentaires promettent un paiement rapide. Les délais moyens actuels de règlement des feuilles de soins électroniques (93 % du total), sont de 3,2 jours en tiers payant pour les régimes d'assurance-maladie obligatoire (contre 17 jours en 2015 pour les feuilles de soins papier).
Pour les complémentaires, ce temps avant paiement est de 5 jours ouvrés en moyenne sur les flux dématérialisés, et d’environ 2 semaines pour un tiers payant papier. Les complémentaires s'engagent à respecter des « délais au moins identiques à ceux imposés à l’AMO ».
La loi de santé a prévu des pénalités pour l'assurance-maladie obligatoire en cas de règlement tardif dont les modalités seront fixées par décret.
Comment le médecin pourra vérifier qu'il a bien été payé ?
Pour faciliter leur comptabilité, les médecins pourront s'équiper d'un système de suivi automatique des paiements (AMO et AMC) dans leur logiciel. Pour chaque consultation, ils pourront savoir si une facturation a bien été émise, reçue, traitée, puis payée, par l'assurance-maladie comme par sa complémentaire. Par ailleurs, les professionnels de santé pourront s'appuyer sur des structures intermédiaires pour gérer le suivi des paiements.
Plus de 8 300 médecins auraient déjà recours à une plateforme équivalente. Le modèle de « payeur unique» coordonné par l'assurance-maladie obligatoire n'a pas été retenu, les complémentaires ayant opposé des « obstacles juridiques, opérationnels et financiers».
Comment sera récupéré l'euro de franchise sur les consultations ?
La question de la récupération de la franchise par les régimes obligatoires a longtemps été estimée comme un obstacle à la généralisation du tiers payant. Les auteurs estiment avoir trouvé la parade. « À partir de 2017, des solutions vont être mises en place pour permettre de récupérer directement auprès des assurés les franchises et autres dettes liées au non-respect du parcours », explique Nicolas Revel. L’assuré qui aura un débit auprès de l’assurance-maladie, disposera de plusieurs moyens pour le régler (chèque, kiosque de paiement en ligne, prélèvement). Si après plusieurs relances, un assuré n’a pas payé ses dettes, l’assurance-maladie pourra conditionner l’application du tiers payant sur ses soins à une autorisation de prélèvement bancaire.
Cette solution peut-elle convenir aux médecins ?
La Sécu et les complémentaires semblent, avec ce rapport, avoir tenu compte des remarques des médecins. « Nos propositions cherchent à répondre aux attentes qui ont été clairement exprimées par les professionnels de santé. Nous avons toujours dit qu’elles étaient totalement légitimes et que nous avions une obligation de résultats pour y répondre, conclut Nicolas Revel. Avec cette solution, nous apportons une vraie garantie de paiement aux professionnels de santé, nous nous engageons à tenir nos délais et nous leur assurons un suivi simple de la facturation.»
La réussite de ce dispositif dépendra de la volonté de l'ensemble des acteurs mais aussi de la capacité des éditeurs de logiciels à mettre en œuvre la mise aux normes en temps et en heure. La profession qui s'est durement opposée l'an dernier au tiers payant ne se contentera pas de déclarations d'intention et jugera sur pièces.
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